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Insas: Films de fin d'études

Publié le 03/07/2009 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Films de fin d'études

Journées de projections des films de fin d’études des étudiants de l’INSAS. Une bonne année, entendait-on chuchoter dans les couloirs et à la pause-café. Signalons que cette année 2009 est un peu particulière puisque ont été présentés les courts métrages de la première promotion post réforme de Bologne, qui a transformé le cycle de quatre ans en cinq. Cette année supplémentaire a visiblement été bénéfique au niveau du fond comme de la forme. Les thèmes principalement abordés par les étudiants sortant du MASTER cinéma ne tournaient pas autour de leur nombril : déracinement, exil, immigration ont déroulé leur problématique dans les histoires fictionnelles autant que dans les sujets documentaires. Pour autant, si le choix d’un tel sujet pouvait facilement pencher du côté d’un cinéma social un peu misérabiliste, les films ne manquaient pas d’espoir. La crise aurait-elle un effet positif sur le moral des jeunes talents qui, face aux promesses d’un futur désenchanté, trouveraient un refuge joyeux dans leur imaginaire ? Une envie irrépressible d’aller goûter un ailleurs pour voir si l’herbe y est plus tendre et plus verte ?

Du côté de la fiction, la mini-comédie musicale Walk. Run. Fly. de Julie Decarpenteries entraînait gaiement Lola vers le soleil, plantant là mère dépressive, boulot merdique et histoire d’amour foireuse. Lola marche, s’échappe, vole… Cours Lola, cours !
Pour la jeune turque Nurya de Beau soleil (de Burci Bilgic), il ne s’agit pas tant de partir mais bien de retourner d’où elle vient. Le jour de son anniversaire, taraudée par la solitude, le manque, et le mal du pays, Nurya est à deux doigts de reprendre un avion jusqu’à ce qu’elle échoue dans un café et change de direction. 
Quant à Nargiz (de Sevara Irgacheva), une adolescente brillante venue d’ex-URSS, il s’agira de se faire une place dans une autre culture, d’autres codes et d’accepter de voir sa mère architecte contrainte à faire des ménages. Une belle narration tout en finesse et en profondeur dans laquelle une lueur d’espoir montrera le bout de son nez.

Place Moscou

Côté documentaires, Que ton souffle soit chaud (deBenjamin Minot)a promené sa caméra dans les chambres d’immigrés iraniens au petit château. Interview face caméra et concert improvisé dans un espace restreint dans lequel ces exilés rejouent et retrouvent, grâce à la musique, les paysages de leur pays perdu. 
Place Moscou a déclenché rire franc et tendre sourire face à un couple de Coréens, installé à Budapest pour nourrir spirituellement et concrètement les sans-abris de la ville. Personnage unique, d’une jovialité communicative, Kim chante les louanges de Jésus-Christ avant de servir la soupe pendant que sa femme pianote sur son synthétiseur.La Turquie, l’Iran, la Russie, mais aussi l’Afrique (et ses photographes burkinabés) et la Chine (et ses femmes aux petits pieds), les étudiants sont partis à la rencontre de l’autre, ici et ailleurs.
Camille Meynard nous a, quant à lui, ouvert son monde fantasmagorique dans un beau noir et blanc granuleux avec un petit film à part, Mimésis. Une jolie rencontre entre un mime et un enfant des rues qui vont coller leur solitude et retrouver le sourire.

 
Une longueur d'avance de Pascale Brischoux


La deuxième journée de projection consacrée au Baccalauréat 3 Image et son a aussi apporté son lot de jolies surprises sans pour autant sortir du « territoire ». Ce fut le cas de Un havre de paix de Léo Médard où un petit garçon de quatre ans va, pour la première fois, être confronté à la mort et comprendre que sa Grand-tante, Anne-Marie, ne s’est pas endormie dans la salle de bain. De son côté, Une longueur d’avance de Pascale Brischoux nous conduisait au cœur d’une histoire d’amour pas comme les autres, dans laquelle une jeune femme partait vendre vingt ans de sa vie pour se rapprocher de l’âge de son compagnon. Une histoire réaliste teintée de fantastique, kafkaïenne à souhait. 
Deux jolies animations, en collaboration avec La Cambre, nous ont donné un avant-goût de ce que les étudiants de cette école ont réalisé cette année. Grise Mine proposait un superbe noir et blanc, proche de la gravure, et nous conduisait au fond de la mine près de Joseph, bloqué sous terre. Au Vernissage, au dessin plus classique, mettait en scène un vers, un oiseau, un chat, un chien et un éléphant dans une folle course-poursuite lors du vernissage d’une galerie d’art : un joyeux bordel déjanté sur une bande-son hallucinante.
Il ne s’agissait évidemment pas ici d’évaluer l’animation très réussie de Grise Mine de Rémi Vandenitte et de Au Vernissage de Victor Balaguer, mais bien du travail sur le son et le montage que les élèves de l’INSAS ont fourni aux animateurs.

 

  
  

En effet, grâce à ART.es, une plateforme artistique multidisciplinaire mise en place cette année et qui regroupe désormais trois écoles supérieures d'art de Bruxelles (La Cambre, le Conservatoire royal de Bruxelles et l’INSAS), l’engagement d’un dialogue s’est amorcé entre les étudiants issus de différents enseignements supérieurs et de différentes disciplines. Une belle façon de répondre une logique normative et concurrentielle du processus de Bologne ? Peut-être… Quoi qu’il en soit, il ne peut sortir que du bon d'une telle initiative d'ouverture contre un repli sur soi qui, souvent, finit par tourner court. La preuve, les deux films d'animation qui ont bénéficié de cette collaboration étaient sans doute parmi les plus réussis de tous les travaux de fin d'études vus à La Cambre cette année (soyons juste, ils étaient aussi les deux seuls films présentés en MASTER 2, les autres travaux étant réalisés par les étudiants issus du MASTER 1).
On espère retrouver ces collaborations l'année prochaine, et les quelques films mis en exergue ici dans les différents festivals du pays et d’ailleurs, cette année.