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Io Capitano de Matteo Garrone

Publié le 17/01/2024 par Nina Alexandraki / Catégorie: Critique

Animés par un désir ardent de partir pour l’Europe, Seydou et Moussa, deux jeunes sénégalais de 16 ans, quittent leur ville natale pour l’Italie. L’épuisement de la marche dans le désert, le cynisme des passeurs, la cruauté des prisons libyennes, mais aussi des alliés qui prennent des formes surnaturelles et leur redonnent de l’espoir, composent ce récit d’initiation ancré dans la violente réalité du périple migratoire.

Io Capitano de Matteo Garrone

Le récit de Io Capitano suit la narration classique du voyage héroïque. Comme tous les héros, au début de l’histoire, Seydou et Moussa sont appelés à quitter leur quotidien. C’est un quotidien chaleureux que le film expose, inscrit dans les banlieues de Dakar, rythmé par la vie de famille, le travail et les soirées de danse. 

Or, le désir d’ailleurs des deux jeunes est plus fort que tout : malgré les avertissements des plus âgés qui leur font un portrait sombre de l’Europe et le refus ferme de la mère de Seydou, les deux protagonistes, encouragés par l’approbation du shaman du village, prennent la route. 

Les cadres remplis de présences humaines donnent leur place à des plans larges où les personnages, perdus dans l’étendue du désert du Sahara, franchissent la porte vers l’inconnu et sont confrontés à leur fragilité. Tout en inscrivant ses personnages dans ces espaces menaçants, Matteo Garrone les suit de près, en observant les nuances de leurs émotions face à ces nouveaux mondes remplis de dangers. 

Ainsi, la violence du monde extérieur confronte le rêve rempli d’innocence de Seydou et Moussa et met les protagonistes face à eux-mêmes. C’est toute une série de choix à faire qui construisent la suite du récit, où les personnages sont amenés à grandir et à rester fidèles à eux-mêmes : est-ce qu’il faut laisser derrière soi une personne qui s’effondre pendant la traversée, comment tenir face aux demandes cruelles de la police libyenne. Ce sont ces épreuves que les protagonistes affrontent et qui, par moments, voient leur rêve de continuer la route fragilisé. 

Dans ce voyage à la fois physique et psychologique, c’est la croyance à quelque chose de plus fort qu’eux, la certitude que leur voyage aboutira puisqu’il a été validé par leurs ancêtres, qui permet aux personnages de garder leur espoir. Ce sont aussi ces moments de magie, comme celui où Seydou envoie via un guérisseur un message à sa mère pour lui dire qu’il est toujours en vie, qui font avancer le récit comme une fable fidèle aux valeurs et aux pouvoirs de ses personnages. 

Le plus grand défi de ce voyage est celui qu’un passeur impose à Seydou : le jeune pourra voyager avec son ami Moussa, à condition que ce soit lui qui conduise le bateau avec tous les autres passagers, alors qu’il n’a jamais fait cela. Dans une dernière scène au milieu de la mer, Seydou est amené à prendre la responsabilité de plusieurs personnes et répondre avec humanité quand il s’agit de sauver une femme enceinte qui accouche dans le bateau. S’étant improvisé capitaine avec succès, Seydou le crie aux hélicoptères italiens qui apparaissent dans le ciel et le film finit en apothéose.

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