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Iris, de Brandon Gotto (2025)

Publié le 10/01/2025 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Un thriller social qui se révèle un drame humain avant tout

Le dernier long-métrage de Brandon Gotto s’inscrit dans une démarche audacieuse, abordant des thématiques lourdes telles que la toxicité paternelle, la violence familiale ou encore la pression sociale liée à l’emploi et la quête d’identité. Ces sujets, récurrents dans l’œuvre du jeune réalisateur prolifique, trouvent ici une profondeur particulière, faisant de ce film probablement son travail le plus abouti à ce jour.

Iris, de Brandon Gotto (2025)

 

Autodidacte et disposant de peu de soutien financier, ce cinéaste belge passionné produit et réalise en moyenne un film par an, tels que Gravidam (2022), Ida (2023), Pandemonium (2024), tous produits par sa propre société, Deep Dreams Films.

Iris (2025) retrace l’histoire d’une jeune femme, incarnée par la charmante Margaux Colarusso, qui, hospitalisée après avoir été victime d’une agression très violente dans un tunnel, replonge dans ses souvenirs d’un amour interdit. Cette quête d’amour et d’acceptation plonge le spectateur dans la réalité de cette jeune artiste talentueuse, mais en proie à des échecs personnels et professionnels. Le film brosse ainsi le portrait d’une jeune femme, en quête d’elle-même, du regard des autres et de la place qu’elle pourrait enfin prendre dans le monde.

Parmi les visages qui peuplent ce film, Margaux Colarusso se distingue comme la muse incontournable de Brandon Gotto, non seulement en tant que compagne, mais aussi comme comédienne fétiche et collaboratrice de longue date au sein de Deep Dreams. Elle a d’ailleurs également signé, il y a peu, son premier court-métrage en tant que réalisatrice, Focus (2025), disponible sur YouTube (voir liens vers la vidéo et critique cinéma en fin d’article).  

Face à elle, Annick Cornette incarne sa mère, tandis que Michel Angely, dans le rôle du père infâme, livre une performance intéressante. L’amour naissant d’Iris prend vie grâce à Alize Nickolson, tandis que Jean-Pierre Demarke apporte une touche de tendresse en incarnant le grand-père bienveillant.

Les séquences filmées en extérieur, qui marquent le début de l’idylle entre les deux femmes, ainsi que les échanges bienveillants avec son grand-père, offrent à Iris un réconfort précieux, notamment face à ses peurs d’être jugée par le regard des autres. Ces moments de respiration et de positivité, bienvenus dans l’ensemble du film, apportent une dimension chaleureuse souvent absente des productions précédentes de Brandon Gotto. Ce choix s’inscrit clairement comme une évolution dans son travail.

Ces moments véhiculent également de manière limpide le message central du film : vivre pleinement sa vie, sans se soucier du regard des autres, aussi difficile que cela soit-il. Ces dialogues mettent en lumière un leitmotiv cher au couple formé par Gotto et Colarusso,  la nécessité de s’accepter tel que l’on est, dans un monde qui tend à briser les individus dans leurs différences.

Bien que le vécu de l’héroïne du film, Iris, suscite de l'empathie, son attitude parfois trop enfantine et déconnectée de la réalité, ainsi que sa tendance à fuir ses responsabilités et à se victimiser, compliquent l’identification au personnage. Cette posture crée une distance émotionnelle, affaiblissant l'impact de son parcours. Une exploration plus nuancée de ses motivations aurait permis de lui donner plus de profondeur et de crédibilité au personnage.

Le manichéisme des personnages dans l’écriture de Gotto fait partie de son style. Si cet aspect renforce souvent l'impact du message, davantage d’ambivalence pourrait enrichir ses récits et les questionnements qu’ils soulèvent.

La véritable force de Gotto réside indéniablement dans sa maîtrise technique, particulièrement évidente dans l'aspect visuel et sonore de ses films. La prise de son, souvent négligée dans des productions à budget réduit, est ici d'une grande précision, contribuant à l'immersion du spectateur. Le grain de l’image, quant à lui, apporte une texture particulière à ses films, renforçant l’atmosphère tendue et authentique qu’il cherche à instaurer. Ces éléments, bien que souvent discrets, participent pleinement à la qualité de son œuvre, prouvant que, même avec des moyens limités, Gotto sait sublimer son cinéma par une approche soignée et efficace.

Pour conclure, et pour les amateurs de Brandon Gotto, il est impossible de ne pas remarquer les clins d’œil à sa passion pour le cinéma de genre. Les affiches de Misery (1990) et The Exorcist (1973), accrochées aux murs, ainsi que certaines scènes enrichissent l’atmosphère du film. Bien que ce soit probablement le moins horrifique de ses films, il n'en reste pas moins marqué par une scène d’agression intense, l'un des climax les plus forts du récit. Toutefois, derrière l’intensité de cette scène, c’est bien l'horreur de la réalité, celle du manque de perspectives qui touche une grande partie de notre société — jeunes et moins jeunes — qui se dessine. Un malaise existentiel qui reste la véritable terreur du film.

 

AVANT-PREMIÈRE du film le 24 JANVIER 2025 au Cinéma Caméo de Tamines.

Questions/réponses après la projection du film et dédicace affiches, en présence de l’équipe du film.

https://www.facebook.com/events/1374795770144888/

 

Également à voir et lire à propos de Brandon Gotto et Margaux Colarusso:

Gravidam (2021) : https://www.cinergie.be/actualites/brandon-gotto-et-margaux-colarusso-gravidam (rencontre au BIFFF)

Pandaemonium (2023) : https://www.cinergie.be/actualites/pandaemonium-2023-de-brandon-gotto (critique cinéma)

Focus (2025), de Margaux Colarusso : https://www.youtube.com/watch?v=Q6PXTC7DDiM (court métrage sur Youtube)

Focus (2025): https://www.cinergie.be/actualites/focus-de-margaux-colarusso-2025 (critique cinéma)

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