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Brandon Gotto et Margaux Colarusso, Gravidam

Publié le 30/09/2022 par Malko Douglas Tolley, Harald Duplouis et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

Marqué à vie par le Kink Kong de Peter Jackson, Brandon Gotto est non seulement un autodidacte passionné mais aussi l’un des rares Belges à œuvrer dans les fans films(dont Halloween). Cette fois, notre carolo d’à peine trente ans débarque avec son premier long, un voyage sensoriel et cauchemardesque sur le deuil, la filiation et la folie, en s’inspirant notamment de la toile « Angoisses » d’August Friedrich Schenck. À travers ses variations chromatiques et ses plans fixes, comme autant de tableaux anxiogènes, GRAVIDAM est l’exemple parfait du cinéma viscéral, celui qui vient des tripes avant la raison.

Après plusieurs projets décalés dans sa jeunesse et un premier essai de long-métrage avec L’enfer n’est pas loin (2020), Brandon Gotto a présenté au BIFFF ce qu’il considère comme son premier vrai long-métrage professionnel. Gravidam traite de la question de la maternité et de la fausse couche dans une ambiance surréaliste et horrifique. Reprenant les meilleurs éléments de ses productions précédentes, ce jeune réalisateur wallon a surpris par la qualité de son film assez court et prenant. Cinergie.be est allé à sa rencontre et celle de Margaux Colarusso, la comédienne qui a obtenu le rôle principal dans ce drame social horrifique.

 

Cinergie : Vous n'avez pas suivi une formation classique pour devenir réalisateur. Faire du cinéma, est-ce un rêve d’enfant ?

Brandon Gotto : Je suis un jeune réalisateur thudinien autodidacte, passionné de films sulfureux et transgressifs. Je suis passionné par la réalisation depuis que je suis petit. Mes goûts et mes influences ont évolué bien entendu, mais c’est quelque chose qui ne m’a jamais quitté. Depuis que je suis enfant, c’est cinéma cinéma cinéma. Je me suis vraiment nourri de cette passion.

 

C. : Comment définissez-vous votre cinéma ? Avez-vous un genre de prédilection ?

B.G. : Je suis fortement inspiré par la vague d’horreur française de films de genre du début des années 2000. Des films comme  À l’intérieur (2007) d’Alexandre Bustillo et Julien Maury, Calvaire (2004) de Fabrice Du Welz ou plus tard Grave (2016) de Julia Ducournau. J’ai vraiment envie que mon cinéma se dirige vers cette essence-là. J’ai des goûts cinématographiques variés. Je prends également mon pied devant des blockbusters mais le cinéma personnel est quelque chose d’assez sensoriel et hypnotisant. J’aime que la matière soit mise en évidence avec un truc texturé au niveau des décors par exemple. J’espère que j’ai réussi à créer quelque chose d’assez sombre et prenant avec Gravidam.

 

C. : Quelle est la différence entre Gravidam et vos projets précédents ?

B.G. : Mes projets précédents m’ont permis de m’exercer, à comprendre comment on met en place un long-métrage. J’ai également réalisé plusieurs courts-métrages avant ça. Gravidam est mon premier long-métrage véritable. C’est la première fois que je travaille avec une équipe et qu’il se passe des choses un peu plus concrètes. C’est la première pierre à l’édifice de ma filmographie en tout cas.

 

C. : Quels sont les thèmes abordés dans Gravidam ? N’avez-vous pas l’impression que Gravidam est un drame social violent plutôt qu’un film d’horreur ?

B.G. : Le deuil principalement. Les névroses et les déviances qu’il peut y avoir entre un jeune couple. Le but était de s’intéresser de plus près à l’humain. C’est traiter le deuil du point de vue des deux personnages principaux, du point de vue de l’homme et de la femme. Je suis un grand fan de cinéma de genre et j’adore les films d’horreur classiques américains comme Psychose (1960), Massacre à la tronçonneuse (1974). Mais le cinéma de genre belge et français, qui est beaucoup plus réaliste, me parle plus. Il me fait plus réagir. Il y a toujours une espèce de distance avec les Américains. Même si on s’éclate devant des productions américaines comme Vendredi 13 (1980) ou Scream (1996), on se dit toujours que ce n’est pas possible. Dans le cinéma européen francophone, ils essaient de faire en sorte qu’on s’imprègne d’une ambiance qu’on a connue nous-mêmes. Gravidam peut être considéré comme un drame social effectivement. Le terme film d’horreur est plus un terme commercial pour vendre mais, en effet, il s’agit plutôt d’un drame psychologique déviant.

 

C. : Comment s’est déroulée votre collaboration sur le plateau avec Margaux Colarusso, la comédienne principale du film et également votre compagne ? Êtes-vous complices au niveau des choix de réalisation ?

B.G. : Nous n’allons pas toujours faire des projets ensemble dans notre carrière mais, pour celui-ci, j’ai trouvé qu’elle avait vraiment les qualités pour le rôle. Elle connaît certains de mes défauts et elle me ramène dans le droit chemin en termes de réalisation. On se complète à ce niveau-là, je pense. Après, il faut avouer que je suis souvent impatient et qu’elle est plus calme et posée pour faire les choses. On ne va pas dire que ça explose, mais c’est quand même parfois un peu tendu. Mais cette tension peut également nourrir certaines scènes du film. Par exemple, il y a une scène avec une boîte. Elle avait très peu de temps pour se préparer, elle en voulait plus et je l’ai un peu brusquée. Dans cet exemple précis, je pense que ça a nourri la scène positivement.

 

C. : Et pour vous Margaux, qu’est-ce qui caractérise ce projet de Gravidam ?

Margaux Colarusso : Ce rôle est celui d’une femme enceinte. Je suis assez jeune et c’était donc une épreuve de me mettre dans la peau d’une femme qui attend un enfant et qui vit une fausse couche. C’était un travail personnel assez difficile et intense. J’avais déjà collaboré sur des projets avec Thomas Gomrée qui joue le rôle de mon compagnon dans le film. On a pas mal improvisé sur le tournage. Je suis moins fan de cinéma de genre intimiste que Brandon. Je préfère les films plus fantaisistes et fantastiques comme ceux de Tim Burton. Mais avec le temps, ça évolue et je commence à vraiment apprécier ce type de cinéma. Les gros blockbusters m’attirent de moins en moins. Pour en revenir à Gravidam, je ne le perçois pas non plus comme un film de genre mais plutôt comme un drame psychologique.

 

C. : Les thèmes de la maternité et de la maltraitance étaient déjà présents par le passé Brandon. Peut-on parler de sujets de prédilection ?

B.G. : C’est vrai que j’ai déjà abordé ces thèmes, mais ce ne sera peut-être pas toujours le cas. C’est vrai que j’adore voir un couple se désintégrer à l’écran. Je trouve ça intéressant et puis parfois ça permet d’aller plus loin dans la personnalité des protagonistes, s’il n’y a que peu de personnages dans le film. Pour Gravidam, c’est une sensation que j’ai eue pendant Titane qui m’a donné envie de le réaliser. Une petite odeur qui m’est restée et qui m’a donné envie de creuser le sujet. Et puis, il y a également l’ambiance de l'Ardenne. C’est une ambiance que j’adore. J’essaie de la caler dans tous mes projets. Un style bien de chez nous.

 

C. : Il s’agit d’un film auto-produit ou quasiment. Comment avez-vous procédé ? Quand avez-vous débuté Gravidam ?

B. G. : Cela fait un an jour pour jour (début septembre 2022) que le projet a débuté ou presque. On avait commencé à le tourner fin de l’été 2021. Quelques mois de montage et mixage. On a présenté le film au printemps 2022 et puis il a été diffusé ici, au BIFFF. La concrétisation du projet a été très rapide. Ce film a été réalisé sur fonds propres comme souvent dans le cinéma indépendant. Il s’agit d’un budget très réduit. J’ai investi 2.500 euros de ma poche dans ce projet.

 

Cinergie : Où peut-on voir le film après sa diffusion au BIFFF ?

B.G. : Il devrait être disponible prochainement sur une plateforme française Sofa VOD. En Belgique, on va également le proposer à divers médias en ligne. Un DVD est également disponible. Vous pouvez contacter directement Deepdreamproductions@gmail.com.
Ensuite, il va y avoir une dernière projection de Gravidam le 7 octobre à Tour & Taxis au cinéma de la Maison de la Poste. En tant que cinéaste indépendant, c’est assez compliqué. À part des diffusions en salles organisées par les réalisateurs eux-mêmes, c’est assez difficile de faire distribuer ces films. Mais le cinéma pour un réalisateur, c’est comme l’église pour un religieux.

 

C. : Vous avez créé Deepdreamsproductions avec Margaux Colarusso. Avez-vous déjà un nouveau projet au programme pour la suite ?

B.G. : On a déjà secrètement tourné le prochain long-métrage. Sa forme sera beaucoup plus convenue que Gravidam et il est déjà en post-production. Il sortira probablement au printemps prochain.

M.C. : Depuis toute petite, j’ai toujours aspiré à faire du cinéma. C’est ma passion et j’aimerais jouer des rôles plus diversifiés par la suite. Que ce soit avec Brandon ou d’autres réalisateurs d’ailleurs. On aime faire équipe mais on a également nos carrières.

B.G. : Tout à fait, j’ai réalisé plusieurs projets avec Margaux et on va encore en réaliser par la suite mais rien ne dit qu’on n’aura pas des projets l’un sans l’autre également dans le futur.

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