Jia Zhang-Ke
Jia Zhang-Ke
Cinéaste emblématique de la Chine, Jia Zhang-Ke n’est pas seulement depuis Still Life (Lion d’or à Venise) considéré comme le plus grand réalisateur de l’empire du milieu (avec Wong Kar-Wai) mais également l’un des cinéaste essentiel de l’utilisation du numérique. Non pas comme la surface hollywoodienne qui s’en sert pour mettre en valeur la technique au détriment des effets de style ou de signature mais, tout au contraire, pour se servir de la vidéo haute définition comme renouveau esthétique du cinéma. D’où son importance pour les passionnés de cinéma qui peuvent constater que celui-ci, loin de disparaître avec l’explosion des images numériques, peut devenir le laboratoire esthétique du cinéma de demain ( ce que montrent de leur côté, Alexandre Sokourov et Michaël Mann).
Le mois de mai a vu la parution dans Positif (n°555) et Les Cahiers du Cinéma (n°623) de textes et d’entretiens passionnants avec Jia Zhang-Ke.
Jia a comme chef opérateur Yu Lik Wai (lequel a fait ses études à l’INSAS) avec lequel il a décidé de mettre en valeur la peinture traditionnelle chinoise. L’utilisation du travelling reprenant la manière dont on regarde un rouleau de peinture chinoise.
Dans Les Cahiers du Cinéma, interrogé par Jean-Michel Frodon, le réalisateur de Still Life nous explique son intérêt pour l’utilisation du numérique. « L’utilisation de la HD me donne un autre rapport au temps et à l’espace, je peux filmer sans stress, je peux attendre, recommencer. Il y a beaucoup moins de pression que lorsque je travaillais en Super 16 ou en 35. Et cela permet d’intensifier la dimension documentaire de la fiction. C’est grâce à cette dimension documentaire que le cinéma chinois indépendant est capable de présenter une autre vision de la réalité que celle que cherche à imposer la propagande officielle ».
Jia Zhang-Ke a tourné deux films en même temps aux Trois Gorges. Outre Still Life (la fiction) il y a Dong (un documentaire) pour lequel il dit avoir « utilisé la même caméra digitale. En revanche, j’ai tenu à travailler de manière spécifique la lumière thaï (pour Dong) qui est violemment contrastée et très différente de la lumière chinoise ; je tenais beaucoup à ce contraste ». (1)
Sorti en Chine en décembre 2006, Still Life (Nature morte) a été diffusé le même jour que la « superproduction officielle de Zhang Yimou ». Jia considère que les films de Yimou sont une pure distraction qui ne s’intéresse qu’aux recettes alors que son cinéma, tout au contraire, vise à montrer le monde contemporain de la Chine. Comme quoi la guerre culturelle opposant la marchandise spectaculaire et les œuvres de cinéma dépasse les Etats-Unis et l’Europe grâce à la mondialisation.
Dans Positif, Michel Ciment et Lorenzo Codetti interrogent Jia Zhangke qui précise son goût de la peinture. Ayant le sentiment « que l’activité picturale correspondait très bien à mon cinéma, au sens où j’ai une relation forte avec la tradition classique de la peinture chinoise dans laquelle les deux principes du Yin et du Yang se mêlent pour faire un monde complet ».
Jia n’a cessé dans ses quatre premiers films de montrer les relations humaines des gens pauvres, la redoutable destruction du tissu humain et social que vit la Chine depuis quinze ans avec la marchandisation forcenée et surréaliste (le régime communiste est toujours présent) qui ne cesse de se déployer.
« Quand je me trouve dans une de ses maisons modestes, je suis très touché par des objets qui, de toute évidence, n’ont jamais bougé. Ils me donnent le sentiment très fort du temps et aussi de quelque chose qui continue, qui persiste et qui contraste avec les mutations et les bouleversements de la Chine contemporaine. Ces hommes, ces femmes du peuple, je les vois isolés, solidaires, délaissés ». (2)
Vous pouvez découvrir une interview filmée et écrite que nous a accordé Jia Zhangke à Bruxelles lors de la sortie de The World.
(1) Interview de Jean-Michel Frodon, Les Cahiers du Cinéma, n°555
(2) Interview de Michel Ciment et Lorenzo Codetti , Positif n°623