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L'ambitieuse série 1985

Publié le 16/01/2023 par David Hainaut / Catégorie: Critique

L'ambitieuse série 1985 s'était dévoilée à Liège

Après Cannes à l'international et Gand en Flandre, c'est Liège qui a fait office d'avant-première francophone de la série 1985, lors des deuxièmes rencontres de Politik. Où les deux premiers épisodes – il y en a huit – ont sans surprise séduit l'auditoire, lui donnant déjà l'envie de découvrir la suite. Une série attendue, qui sera diffusée pour la première fois en simultané sur la RTBF et la VRT dès le 22 janvier 2023.

L'ambitieuse série 1985

Un projet de haut-vol

En nous rendant à la Cité Miroir liégeoise, pour y découvrir à notre tour cette ambitieuse série abordant les tristement célèbres tueries du Brabant, on se doutait un peu, vu ces premiers échos, voir une fiction de qualité. Ce qui s'est vérifié. Cette série nous plonge d'emblée à la fin des années septante, en compagnie de trois personnages centraux. Soit Franky et son meilleur ami Marc, deux gendarmes fraîchement diplômés de l'école de gendarmerie quittant leur village flamand pour débuter une carrière à Bruxelles; et d'autre part Vicky – la sœur de Franky -, étudiante à la VUB et animatrice d'une radio libre. Trois fils conducteurs fictifs, servant à aborder des faits réels qui coûteront la vie à vingt-huit personnes - la série leur est d'ailleurs dédiée – entre 1982 et 1985, avec des meurtriers restant toujours inconnus à ce jour...

Des histoires dans l'Histoire

Assez vite, nos trois jeunes personnages vont être confrontés aux prémices de ces sombres événements qui allaient marquer le pays, chacun(e) perdant un peu son innocence à mesure qu'il ou elle découvre la dure réalité du terrain. Entre conflits internes - notamment ceux entre la gendarmerie et la police, qui finiront par fusionner en 2001 - et l'implication d'un commandant dans un affaire de drogue, entre une affaire d'orgies (celle des "Ballets roses") mêlant de hauts fonctionnaires et un trafic d'armes. Difficile pour ces jeunes gens, de trouver dans tout cela un semblant d'équilibre, entre conscience personnelle et intérêt collectif...

Un voyage dans le temps

Allant crescendo, 1985 est d'abord un authentique voyage dans le passé de la Belgique. Des véhicules aux maisons, en passant par les casernes, les vieux bus ou les discothèques : aucun costume ni décor n'ont été laissés au hasard. Celles et ceux qui ont vécu l'époque disent déjà bien la reconnaître, dans les tons brun, jaune et orange choisis par la direction artistique. Et si l'histoire est bien de chez nous, elle est racontée de manière universelle. Raison pour laquelle un premier public international a déjà pu être captivé par ces faits méconnus hors de nos frontières. " Sur la Croisette cannoise, face à l'enthousiasme général, j'avoue qu'on se sentait un peu comme des rois ! ", concédait ainsi le créateur de la série Willem Wallyn (Pandore, De 16, Albatros...), présent à Liège pour l'occasion. " Que cette série ait pu plaire à des étrangers, ça a déjà été notre plus beau compliment ", a-t-il ajouté.

Plus d'une décennie de préparation

Vaste projet lancé il y a plus de dix ans, 1985 se trouve il est vrai entre de bonnes mains. Soit celles du duo de producteurs flamands Günter Schmid et Peter Bouckaert (Eyeworks/WarnerBros), du jeune réalisateur Wouter Bouvijn (la série De Twaalf en 2019, primée à Canneseries), du conseiller artistique Stijn Coninx (réalisateur du film Niet Schieten qui, évoquant déjà les tueries du Brabant, a réuni un demi-million de personnes dans les salles belges en 2018) et surtout celles du scénariste Willem Wallyn, l'homme de la situation. Car ce parfait bilingue de soixante-deux ans, qui jouit d'une formation juridique – il a étudié à l'époque des faits à l'ULB, soit à deux pas de la caserne de la gendarmerie d'Etterbeek, un des lieux-clés de la série - s'est passionné par cette affaire dès son adolescence. Ancien avocat, il était même stagiaire lors de la première commission parlementaire sur les tueries du Brabant...

90% de faits réels

Particulièrement documentée, historiquement pertinente, narrativement censée et évitant tout sensationnalisme, cette série préparée avec minutie se révèle forcément instructive, nonante pour cent de ce qui y est raconté s'étant produit. Les plus ancien(ne)s se remémoreront ainsi cette affaire non encore résolue, qui a fait naître les spéculations et les théories les plus folles. Les plus jeunes apprendront, tout en dressant certains parallèles avec leur époque, et en saisissant peut-être mieux la rupture progressive de confiance des citoyen(ne)s envers le pouvoir. Et chacun(e) comprendra la fragilité de notre démocratie...

La plus importante production entre la RTBF et la VRT

Tenu de mai à octobre de l'année dernière, le tournage a, comme d'autres, pris un peu de retard, en marge de la crise sanitaire. Série d'époque assez coûteuse, avec un budget annoncé de huit millions d'euros (un million par épisode, donc), 1985 peut déjà compter sur un vendeur mondial de renom, StudioCanal, pour la première fois impliqué dans une série belge. Et outre nos deux chaînes publiques, l'incontournable Tax-Shelter (Casa Kafka) et les fonds régionaux (Screen Brussels, Screen Flanders et Wallimage) participent à l'aventure. Malgré son aspect sombre, le projet semble détenir assez d'éléments pour séduire et pourquoi pas, connaître un destin similaire à des séries internationales comme La Meglio Gioventu ou Tchernobyl. Et si l'initiative a d'abord été flamande, la présence francophone est, outre son financement, assurée par plusieurs techniciens et des comédiens, chacun(e) jouant ici dans sa propre langue.

Les huit épisodes diffusés début 2023

Ainsi, les principaux rôles sont interprétés par des comédiens flamands: les déjà confirmés Tijmen Govaerts (Marc) et Aimé Claeys (Franky), ainsi que la novice Mona Mina Léon (Vicky). Mais parmi les seconds, outre les plus rodés Peter Van den Begin, Tibo Vandenboore, Tom Vermeir ou Titus de Voogdt, on reconnaîtra Yoann Blanc (La Trêve), Guillaume Kerbusch (La Trêve) ou Roda Fawaz (Unité 42), dont les présences symbolisent aussi la réussite du Fonds-Séries FWB-RTBF. Wouter Bouvijn, le réalisateur, indiquait d'ailleurs récemment à nos confrères de Proximus: "S'agissant d'une histoire belge, il nous semblait évident que nos deux chaînes publiques collaborent. Et puis, c'est positif de voir des visages de chaque communauté, car on ne se connaît pas encore assez bien des deux côtés de la frontière. Mais les choses évoluent. Des francophones me parlent de ma série The Twelve et inversement, je prête de plus en plus attention aux programmes du sud du pays, depuis que j'ai découvert La Trêve ou Pandore."

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