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Le Consentement de Vanessa Filho

Publié le 30/01/2024 par Basile Pernet / Catégorie: Critique

Adapté du roman éponyme et autobiographique de Vanessa Springora, ce deuxième long-métrage de Vanessa Filho retrace le parcours de l’autrice entre ses quatorze et ses dix-huit ans, alors qu’elle entretient une étrange et passionnelle relation avec l’écrivain de renom, Gabriel Matzneff. Cette œuvre s’inscrit dans le contexte de scandale qu’a suscité la parution du roman sur les révélations qui y sont faites quant à l’emprise de l’écrivain français sur de jeunes adolescent.es, décrivant librement dans ses romans les rapports sexuels qu’il entretenait avec eux.  

Le Consentement de Vanessa Filho

Dans la seconde moitié des années 1980, la jeune Vanessa Springora (Kim Higelin) mène une vie solitaire, éloignée de ses camarades du collège autant que de sa mère divorcée (Leaticia Casta) avec qui elle ne partage que la maison familiale. Intelligente et cultivée, elle consacre son temps à lire et à écrire. C’est bien cette inclination littéraire qui entraîne sa rencontre, puis sa relation avec l’écrivain Gabriel Matzneff (Jean-Paul Rouve), écrivain de cinquante ans, admiré et soutenu par les institutions littéraires et les cercles médiatiques.

Charmée par la promesse d’une idylle amoureuse qui n’existe que dans les livres, Vanessa ne connaît de bonheur et de libération que dans les bras de l’homme, qui se définit comme son professeur, son “initiateur”. Son éloquence lui permet d’étendre son emprise sur la jeune fille, obtenant d’elle l’assouvissement de ses désirs sexuels et la promotion de son image médiatique. Vanessa devient sa compagne pour tous ses rendez-vous mondains. Elle doit en outre faire face aux jugements de son entourage, à la désapprobation de sa mère qui, malgré une vie pour le moins dissolue, tente de soutenir une ligne de conduite morale. Sauf qu’elle se trouve elle-même charmée par la finesse d’esprit de l’écrivain et finit par approuver la relation. L’ambivalence, l’hypocrisie et le mensonge définissent chacun des personnages de ce récit, à l’exception de Vanessa qui ne cache jamais ses choix ni ses agissements.

Peu à peu, un véritable rapport de force s’installe dans la relation entre Gabriel et Vanessa, lui exerçant un jeu de chantage malsain, elle essayant de communiquer ses souffrances, et enfin de rompre. Mais l’homme est décidé à faire d’elle sa possession éternelle et rend la rupture impossible, entraînant la jeune fille dans une aliénation sentimentale et psychique.

 

Vanessa Filho, par ses choix de réalisation, accorde une place intéressante aux livres, notamment en raison des rôles qu’ils peuvent jouer dans une vie. Leur influence peut être sans limite ; ils sont à la fois fidèles et trompeurs, attrayants et terribles dans ce qu’ils disent du monde, du vrai et du faux. Ils sont un moyen de séduction, mais aussi de pression pour Gabriel Matzneff, quand pour Vanessa Springora, l’écriture devient le recours suprême pour raconter les manipulations et souffrances dont elle a été victime. De plus, Vanessa Filho donne à son film une structure et un rythme narratif semblables à ceux d’un roman. Les dialogues sont également écrits et interprétés avec une adresse littéraire remarquable. Tous les comédiens maîtrisent sensiblement leur rôle, à commencer par Jean-Paul Rouve et sa représentation sidérant du sadisme et de la perversion. Hélas, la mise en scène ne concurrence pas toujours ce soin littéraire par son manque regrettable de subtilité, notamment lors des séquences qui nous plongent dans le processus autodestructeur d’une Vanessa en pleine dépravation, scène canonique du genre que l’on a déjà vu représentée d’une telle manière dans un trop grand nombre de productions. Cette dramatisation trop appuyée et insistante a quelque chose de superficiel qui rompt avec l’ardente sensibilité du récit. Elle détourne également l’attention de l’un des enjeux centraux, à savoir la remise en question des abus de pouvoir et des traitements de faveur en milieux culturels et intellectuels.

 

Le Consentement est donc un film intéressant en ce qu’il exerce une pression sur tout ce que le récit de Vanessa Springora a de poignant et de révoltant. Des intentions de poétisation qui fonctionnent, notamment à travers l’esthétique visuelle et le montage, et qui parviennent à saisir le lyrisme de cette confession intime pour lui donner une portée universelle.     

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