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Le livre la lanterne de Diogène

Publié le 01/06/2001 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Livre & Publication

Le livre la lanterne de Diogène

 Infatigable défenseur du cinéma belge en général et flamand en particulier, Jan Pieter Everaerts, après avoir lancé la revue Médiadoc et publié Film in België, een permanente revolte, inaugure une nouvelle revue, carrément bilingue, Diogène. Dans son édito intitulé : Pourquoi Diogène ? Dire la vérité au pouvoir, il évoque la figure de Diogène de Sinope, un philosophe existentialiste avant la lettre, une sorte de hippie ou d'indien dans la ville qui osait critiquer toutes les formes de pouvoir. Sénèque raconte que Diogène rencontrant Alexandre le grand, celui-ci lui demanda ce qu'il désirait et le philosophe de lui répondre : " Que tu t'ôtes de mon soleil " ! Le ton de la revue est donné. Au sommaire, un portrait de l'enfant terrible des networks américains, Michaël Moore, le réalisateur du très secouant : Roger and me, une analyse de l'information dans les journaux télévisés belges (VRT, VTM, RTBF, RTL-TVI), une analyse de Gabriel Thoveron sur le service public (ça tombe bien, le contrat de gestion de la RTBF est en renégociation avec la communauté) qui pose quelques questions pertinentes sur la publicité et la redevance.
Hugues Le Paige enchaîne en nous chantant l'éternel couplet du sous-financement sans nous expliquer pourquoi la RTBF a besoin d'un personnel pléthorique pour, (hormis les séries enquêtes et reportages dont le tournage demande des équipes conséquentes), diffuser des émissions de plateau dont il faudra qu'on nous explique en quoi elle sont plus culturelles que celle d'une chaîne privée utilisant moins de personnel pour faire la même chose avec plus d'audience! Suit une " carte blanche " de producteurs d'émissions culturelles (lesquelles au juste ?) nous expliquant, comme de braves petits soldats, que " les magazines d'information et de société restent un fleuron de la RTBF et sont systématiquement diffusés - fait quasi unique en Europe - en première partie de soirée ". Tout à fait exact. Mais dans la foulée ils tentent de nous expliquer que des émissions culturelles " de qualité " sont diffusées sur la Deux. On croit rêver ! Mais peut-être faut-il s'entendre sur culture et création et plus encore sur l'audience de la Deux (la chaîne la moins regardée des francophones d'après le récent sondage d'un quotidien) qui sert de fourre-tout aux exigences du cahier de charge du service public. En un mot comme en cent, la Deux est une chaîne sans image, invisible et que visiblement (si j'ose écrire) personne n'a envie de dynamiser. En cela est le reflet de la logique dominante d'un champ social où les comptables ont pris le pas sur les conteurs, selon l'expression d'Eric Pauwels. L'obsession de l'audience d'une chaîne privée (compréhensible puisqu'elle ne dispose d'autres revenus que ceux que lui fournissent la publicité) est devenu le paradigme d'un service public pour qui, hormis l'info, la culture et la création sont réservés à une élite qui n'a pas besoin d'eux pour s'informer et quelques zozos qui croient encore (pauvres cloches !) que la culture est non seulement une source de plaisir destinée à tous mais également un élément de compréhension entre des époques et des cultures différentes de la nôtre. Que la direction de la RTBF soit composée d'anciens journalistes est sans doute intéressant pour la qualité de l'information mais catastrophique pour la création culturelle. Comme disait un humoriste, ils tourmentent leur épicier en croyant que Monteverdi est une marque de spaghetti. Lorsqu'on nous parle de téléfilms et de coproduction de long métrage le fou rire nous gagne. Si les producteurs de cinéma - dont le conflit avec la RTBF est toujours en cours - attendaient les " services " proposés par la RTBF pour monter un film il y a longtemps qu'ils auraient mis la clé sous le paillasson. A notre connaissance, jamais la RTBF n'a initié un projet de long métrage mais elle est la première à en tirer un bénéfice symbolique surtout lorsqu'ils triomphent dans un Festival International réputé comme Cannes ou Venise. C'est de bonne guerre. De là à nous faire croire que la RTBF est l'initiateur du projet, ça devient franchement comique Non, la RTBF n'est ni la RAI, ni Channel Four ou la BBC ! Moins encore Canal +, TFI, France2, ou même Arte qui coproduisent réellement des films! Quant à la diffusion des courts métrages de fiction, on rit jaune, Carré Noir, (sur la deux, tiens, tiens) ne diffusant que du documentaire (c'est bien et c'est mieux que rien mais les quelques quarante courts métrages de fiction produits en communauté n'ont d'autre ressource pour être vus que les festivals !) Heureusement, l'interview de Carine Bratzlawsky, responsable de la cellule Arte Belgique, nous rappelle qu'il y a encore des chaînes pour qui la culture n'est pas destinée aux ringards qui refusent de se scotcher aux écrans qui diffusent une vision du monde anesthésiée ou infantilisée. Elle nous annonce qu'après les nombreux films d'auteurs réalisés autour de soirées thématiques que cette année la chaîne s'est lancée dans un projet de fiction de long métrage (Au-delà de Gibraltar de Mourad Boucif et Taylan Barman). Par ailleurs, Jan Pieter Everaerts s'interroge sur le manque d'esprit critique de la presse flamande vis-à-vis du plan Copernic (nous nous demandons s'il est le produit de l'imagination particulièrement obtuse des deux Dupnd(t) ou d'un idéologue ultra-libéral). Rappelons que ce questionnaire qui a coûté 90 millions de francs et qui contenait des questions digne de La Cantatrice Chauve de Ionesco a été renvoyé par une infime partie de la population. Ce qui tenterait à prouver que les belges sont plus intelligents qu'on ne le croit! Enfin, bonne nouvelle, on nous annonce la naissance d'INDYMEDIA, nouvelle forme de coopération mondiale pour créer des médias critiques et indépendants des médias commerciaux.


Contact : http://belgium.indymedia.org/