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Le Régime de Régine

Publié le 01/11/1998 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Tournage

Le Choc des images

Rien ne laisse prévoir que dans une petite pièce du second étage d'un immeuble cossu de l'avenue Louise, se tourne Le Régime de Régine, un court métrage, sinon les lumières des HMI qui envoient une lumière réfléchie sur des panneaux recouverts de papier d'argent. "Neuf sur cinq, take one," dit l'assistant, clap en main. "Action". Régine (Sandrine Laroche), au bord des larmes, essaie de fermer la tirette de la robe qu'elle a enfilée et que vient de lui remettre Vincent mais elle n'y arrive pas.

Le Régime de Régine

"Mes amies disent que je suis folle, elles disent que tu es malade de me forcer à maigrir comme ça...Je n'ose même pas leur raconter l'histoire de cette foutue robe. Elle était à qui cette robe, hein?"

En face d'elle, Vincent vautré sur le lit (Laurent Natrelat) observe attentivement la scène, indifférent à la grâce et à la sensualité de Régine. Après un plan large qui cadre Vincent de dos et Régine de face, on prend un plan plus serré centré sur Régine.

"On reprend à partir de: "Mes amies disent que je suis folle," dit Patrick Antoine, le réalisateur, qui est au cadre de l'Arriflex BL3 blimpée. La caméra descend du visage de Régine vers sa taille où ses mains manipulent la tirette, et la recadre s'asseyant, défaite. Le réalisateur et les comédiens vérifient sur la vidéo de contrôle la scène qui vient d'être tournée.

"Ce n'est pas mal ce rattrapage de cadre" dit Paul Vercheval, le chef op., à Patrick Antoine qui confirme : "Oui, elle anticipe bien et ça donne de la vie. Il y a un chouette moment à la fin! On fait un insert sur la tirette". L'assistant image change l'objectif, place un 135 mm à la place du 85mm. La caméra cadre Régine qui se débat avec la tirette.

"Attention, tu vas la déchirer! Enlève-là! Il ne manque plus grand chose mais ce n'est pas encore pour aujourd'hui!" dit Vincent en voix off.

Le Régime de Régine est adapté d'une nouvelle d'Annie Saumont. Vincent, un quadragénaire, raconte à ses amis que Régine, l'amie qu'il ne se résout pas à épouser, est un boudin, qu'elle pèse cent kilos et que malgré ses efforts elle n'arrive pas à maigrir. Or, on découvre que Régine est une jeune fille au corps plus proche des formes sensuelles peintes par François Boucher que de celles généreuses montrées par Pierre-Paul Rubens. Régine désirant épouser Vincent s'impose un régime. Celui-ci pour tester son poids l'oblige à enfiler une robe rouge à pois blancs, étroite et ancienne (est-ce un reliquat de la garde-robe maternelle de Vincent?) On ne vous raconte pas la chute. Le dénouement est digne de l'épisode de Pénélope et des prétendants à la succession d'Ulysse.

Régine

"Je suis très sensible au cadre et à la lumière, nous confie Patrick Antoine producteur et réalisateur venant du monde de la pub. Ma collaboration avec Paul Vercheval est excellente parce qu'on a une sensibilité commune et qu'on se comprend à demi-mot. Hier, il était plus au cadre que moi et aujourd'hui c'est l'inverse. Etre derrière la caméra me permet d'avoir une bonne visualisation du jeu des comédiens. On vit mieux la scène au cadre, il y a une manière de suivre les acteurs en panotant et en plongeant qui permet de saisir toutes les nuances du jeu, de l'improvisation, on perçoit mieux l'ambiance.

Le cadre me permet de mieux trouver ce qui me touche et de le rendre. Il y a quelques scènes pas faciles à jouer. On a beaucoup répété quelques jours avant le tournage. Ce qui nous a permis aux comédiens qui ne se connaissaient pas de se trouver en totale confiance et lorsqu'ils se sont retrouvés seuls, de repenser à leurs personnages.
J'ai écrit le rôle masculin pour Vincent Lindon. On lui a envoyé le script, il l'a lu, il l' aimait bien et en plus le court métrage était une expérience qu'il n'avait pas encore tentée mais malheureusement il ne sentait pas le personnage et ne souhaitait pas l'interpréter. Laurent Natrella, qui est sociétaire à la Comédie française, est une rencontre heureuse et fortuite de Katty à Bordeaux où Laurent tournait un film." 

 

"Ma politique n'a pas changé par rapport au court métrage, nous confie Katty Welkenhuyzen, il faut continuer à en faire. C'est un bon tremplin pour plein de gens, pas seulement pour le réalisateur mais aussi pour l'équipe. On a crééla société de production Ganesha, Patrick Antoine et moi. Le nom n'a pas été choisi par hasard, c'est celui d'un dieu hindou qui a un corps d'homme et une tête d'éléphant.

Un jour Shiva part à la guerre en laissant son épouse chez lui et lorsqu'il revient des années plus tard il la découvre au lit avec un merveilleux jeune homme. Il sort son sabre et coupe la tête du jeune homme. Sa femme s'effondre en lui disant : "C'était ton fils!" Alors Shiva coupe la tête d'un éléphant, le premier être vivant qu'il croise et il la dépose sur le corps de son fils qui devient la divinité Ganesha. Ça nous plaisait car c'est l'alliance de la lourdeur et de la délicatesse. Ganesha est le dieu de la manifestation et de tout ce qui est essentiel.

Dans un premier temps, Ganesha a continué à développer le projet d'Haïku d'Eric Ledune dont le pilote est terminé. Normalement Il y a dix unités de 40 secondes chacunnes (on en a fait douze) et avec la matière on a fait deux courts métrages correspondant chaque fois à six haïkus. Il était prévu était d'en faire 365, un par jour. Le projet continue. Le pilote d'Haïku étant terminé, on va essayer de développer les 365 épisodes."

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