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Les courts de l'IAD

Publié le 13/07/2012 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Où donc a bien pu passer l’espoir ?

Pendant que les étudiants, en ce mois de juin, planchent sur leurs copies, ceux de l’IAD (Institut des Arts de diffusion) de Louvain-la-Neuve ont passé un an sur leurs courts métrages de fin d’études qu’ils ont présentés dans la grande salle du Cinéscope. Un invité-surprise, en tournage dans la région, est venu voir ce que la nouvelle génération avait à proposer, le grand Michel Piccoli. L’histoire ne le dit pas, mais l’illustre acteur a dû repartir le cœur plus lourd qu’à son arrivée.

 

Où donc a bien pu passer l’espoir ?

Pendant que les étudiants, en ce mois de juin, planchent sur leurs copies, ceux de l’IAD (Institut des Arts de diffusion) de Louvain-la-Neuve ont passé un an sur leurs courts métrages de fin d’études qu’ils ont présentés dans la grande salle du Cinéscope. Un invité-surprise, en tournage dans la région, est venu voir ce que la nouvelle génération avait à proposer, le grand Michel Piccoli. L’histoire ne le dit pas, mais l’illustre acteur a dû repartir le cœur plus lourd qu’à son arrivée.
« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ». La fameuse phrase publiée dans le pamphlet de Paul Nizan en 1931 trouve visiblement un assourdissant écho en 2012. Ça déprime sec chez les jeunes réalisateurs, pas un souffle d’espoir à l’horizon car d’horizon, il n’y en a pas même l’ombre d’un début.
Le seul inventaire des thèmes des cinq fictions présentées cette année fait froid dans le dos : la soumission à l’enfermement professionnel, la maltraitance faite aux femmes, les difficultés des rapports amoureux, familiaux. Bref, c’est la sinistrose dans le fond, le sérieux absolu dans la forme. En ce sens, le court métrage de Richard Gérard, L’Incertitude d’Heisenberg est emblématique de l’ensemble. Deux futurs ingénieurs stagiaires passent devant un jury pour un prochain engagement dans l’entreprise nucléaire. Avant l’examen, ils apprennent que contrairement à ce qui était prévu, un seul des deux sera engagé. Voilà donc les meilleurs amis du monde en concurrence : le premier refuse de jouer ce jeu pervers, l’autre se soumet et se laisse piéger par le système. Alors que le jeune cinéaste aurait pu terminer son film sur la belle image de liberté de l’insoumis, il le conclut par le regard de désespoir de celui qui, encostardé, fait le choix d’une vie de merde. Un futur… mais quel futur ? Le fameux principe d’incertitude d’Heisenberg semble contaminer toutes les fictions. C’est l’incertitude à tous les niveaux…

Du côté des documentaires, ce n’est pas plus joyeux… Errance, dépossession, menace, cauchemar… Ça s’inspire de Depardon ici, d’Akerman là. Seule Alexandra Longuet, avec As she left, a su faire preuve d’audace. Elle plante son décor dans une Nouvelle-Orléans encore marquée par l’une des plus grandes catastrophes naturelles des Etats-Unis, celle du passage de l’ouragan Katrina. Gros plans sur les visages encore hantés par le souvenir. En voix off, décalées de l’image, les personnages déroulent leurs histoires. La jeune cinéaste s’empare d’une matière filmique palpable pour témoigner de la catastrophe. Ses images, comme érodées, forment de larges écailles, s’effondrent, pâlissent, s’évanouissent et créent un espace de narration, de projections et de fantasmes. Le film aurait gagné à se focaliser sur le drame sans y adjoindre une histoire personnelle d'amour manqué, histoire quelque peu décalée et contée par une voix off littéraire du pire effet.

Enfin, l’IAD proposait aussi quatre très courts en section multimédia. Enfin, se disait-on, un peu de folie, d’inventivité, de démesure. Pari gagné pour l’un d’entre eux, Vie de rêve en promotion. Si le titre n’est pas très engageant, le film, par contre, a tenu toutes les promesses que peut faire l’image animée. Déjanté, bordélique, le film d’Ellen Salomé, Alicia Kepenne et Kévin Dupont est un bric-à-brac bariolé et farfelu. Une prostituée attend le client sur le trottoir. Grande scène d’hystérie lorsqu’une de ses « collègues » débarque. On retrouve la jeune femme, au plan d’après, dans le rôle d’un médecin conseillant à une vieille dame de ne pas donner de nourriture pour chien à son mari. Puis, sautant du coq à l’âne, voilà la demoiselle au restaurant attaquant son prétendant marié à coup de fourchette. Scène de crime… Un James Bond version rital mène l’enquête… la vitalité de ce joyeux foutoir nous fait vite abandonner la tentative d’en dégager la cohérence quand soudain, avec l’image réelle, tout s’éclaire ! Sorte d’Usual Suspect animé, ce dernier film de la sélection a apporté enfin le brin de folie que l’on était en droit d’attendre.

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