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Les courts de l' INSAS 2012

Publié le 15/07/2012 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Les futurs réalisateurs seront… des réalisatrices

Après la journée de projection de films de fin d'études à l'IAD (Louvain-la-Neuve), c'était au tour des étudiants en cinéma de l'INSAS (Bruxelles) de montrer un peu ce qu'ils avaient dans le ventre. Beaucoup de déception, mais aussi de jolies découvertes au sein de cette école qui, cette année, fête ses 50 printemps. 

L’INSAS a donc 50 ans… le temps file. Les étudiants, eux, en ont toujours 20 : ce sera encore le cas dans 50 ans. Ils ont 20 ans ou un peu plus et ils incarnent le cinéma de demain, en un mot, l’espoir… cette « bouée fragile ». Car à l’instar des jeunes néo-Louvanistes cités plus haut, l’espoir et la confiance dans l’avenir n’étaient pas à proprement parlé la préoccupation principale de ces étudiants bruxellois inscrits en réalisation. Un petit tour des thèmes abordés aura vite fait de montrer combien la joie guidait leurs projets : violence (scolaire, familiale, amoureuse), maladies (Alzheimer, dépressions), ruptures (au pluriel), fin (du monde, du désir, de l’innocence)…

C’est dans le cadre de ce que l’INSAS appelle « Regards croisés » que l’on a pu, cette année, voir les meilleurs documentaires. Cette initiative mise en place depuis plusieurs années instaure un partenariat entre l’INSAS et une école de cinéma à l’étranger. Les étudiants se retrouvent donc confrontés, pendant un mois ou plus, à une autre culture, parfois une autre langue, dans des conditions peu luxueuses, voire périlleuses. 

Au plus loin, au mieux serait-on tenter de dire, car c’est Laura Meyer, avec Project Panda tourné à Pékin et Maud Giraud avec Same Shit Different Day tourné à Montréal qui ont donné le meilleur d’elles-mêmes. Sortir des frontières, traverser l’océan, mettre des kilomètres entre l’école et soi serait-ce le bon chemin à emprunter ?

Laura Meyer, avec un humour et une autodérision irrésistibles s’est penchée sur le cas du trésor national chinois : le panda. Car c'est connu, tout le monde en Chine adore le panda ! Pourquoi ? « Parce que c’est le trésor national chinois ! » Pourquoi ?!... Laura, flanquée d’un caméraman chinois qui ne pense qu’à manger et à draguer les filles, piétine dans son enquête sur le mastiqueur de bambou… Quant au maniement des baguettes, c’est pas gagné non plus !

Plus sérieuse, mais pas moins passionnante, Maud Girault a rencontré des grands-pères pas comme les autres : des ex-taulards contraints à vivre dans un immeuble dans des conditions minimales. A la question « Comment va ? », un acronyme qui tue : SSDD (same shit, different day) tout droit sorti d’un roman de science-fiction de Stephen King (Dreamcatcher). On se demande un peu comment la jeune réalisatrice a pu, en si peu de temps, gagner la confiance de ces truands repentis et tatoués, mais on reste bouche-bée devant la sincérité de leur propos, leur abandon face à la caméra. De bouleversants personnages filmés sans tabou, sans complaisance… et sans voix off ultra-littéraire (ouf !).

Côté fictions, plusieurs étudiants (ou encore une fois, étudiantes, tiens donc !) ont fait preuve d’audace en proposant des univers mystérieux et oniriques. C’est le cas d’Ewa Brykalska avec Coda et ses personnages en résistance dans un monde agonisant. Loin des ficelles du film apocalyptique, la réalisatrice donne une vision plus spirituelle que démonstrative d’une certaine fin du monde qui rime avec la fin de l’amour et où vient résonner, à chaque plan, ce célèbre vers de Verlaine, « De la musique avant toute chose ».
En attendant le dégel de Sarah Hirtt n’avait, quant à lui, pas grand-chose à envier aux courts métrages dits « professionnels ». Un homme part de chez lui…définitivement semble-t-il. Son frère et sa sœur viennent l’aider à déménager, sous la neige. Une panne de camion aura vite fait de nouer, dénouer, renouer les rapports profonds et ambigus qui lient toujours une famille.
Scénario sobre mais tenu, direction d’acteurs au poil, atmosphère, cadres, lumières, mise en scène, tout était à la bonne place pour donner en partage un vrai plaisir de cinéma.
L’année dernière, Sarah Hirtt avait tourné son premier film, Legba, dans le cadre de « Regards croisés », à Montréal. On ne saura donc trop conseiller aux futurs étudiants de prendre un avion, de regarder d'un peu plus près ce qui se trame plus loin pour s'éloigner de leur nombril et d'un cinéma quelque peu myope…

 

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