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Les Dieux de Molenbeek de Reetta Huhtanen

Publié le 03/04/2019 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

L’aube se lève sur Molenbeek, avec elle, le temps de l’enfance et des promesses. Elle est un instant privilégié du jour qui s’éveille parce que tout est à venir, comme l’enfance pour ce qui est d’une existence. Elle est une promesse d’avenir qui soigne ce petit sursis de liberté totale, sans se résoudre aux supplications du devenir. Mais au commencement de tout, aux confins du plus petit du monde, au milieu des seules exactitudes, il y avait toujours un aigle royal finlandais tenant la main d’Allah. Et puis un œuf, et le monde. Les dieux de Molenbeek revient sur l’amitié profonde de deux enfants de six ans en plein questionnement sur l’existence et l’origine des choses.

Les Dieux de Molenbeek de Reetta Huhtanen

Molenbeek. Alors que certains la considère comme la capitale du Jihad et des dérives salafistes en Europe, d’autres la parcourent sur ses 5,89 km2 pour vivre amitié et jeunesse. La réalisatrice suit le quotidien d’Amine et Aatos, tous deux vivant à Molenbeek. Ils jouent au foot, débattent du droit de vie ou de mort sur la nature, les araignées, débattent sur l’existence de Dieu, et les trous noirs. « Est-ce que les dieux existent ? Oui mais dans les histoires de Finlande. Tu savais que les hérissons mangent les vers de terre ? C’est quoi un musulman ? Quelqu’un qui ne mange pas de cochon ? Et quand tu étais bébé, tu savais que tu ne pouvais pas manger de cochon ? C’est ma maman qui me l’a dit ». Les questionnements sont multiples, comme les dieux D’Amine et d’Aatos, les dieux imaginés ou réels ne sont que prétextes à discussions et amusements.

Et puis, la douloureuse réalité, celle des attentats et de la radicalisation, des contrôles de police, des fouilles, des stigmatisations. Cependant, plutôt que de filmer la séparation, la réalisatrice finlandaise Reetta Huhtanen choisit de ne pas réprouver les habitants des quartiers de Molenbeek mais tente de maintenir une harmonie guidée par une amitié entre deux enfants, entre un finlando-chilien et un belgo-marocain, entre un laïque et un musulman, profondément travaillée par la quête de sens. Le quartier se mobilise, manifeste contre le terrorisme et maintient la solidarité pendant les patrouilles de l’armée et les contrôles dans les stations de métro.

La caméra, à défaut de se déifier, reste à hauteur d’enfants en permanence. Elle se resserre le temps d’une nuit, autour d’un thé parfumé et de déambulations nocturnes avant la tragique séparation des deux amis. Ils restent pourtant les seuls et les plus forts dans cette ville.

Dieux de Molenbeek est un film sur l'amitié, l’identité, et la foi perçues à travers le regard d’enfants. Un film plus fort que le retentissement des bombes, nous liant plus que jamais dans le dialogue.

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