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Lou bëth xayma de Moussa Diop

Publié le 15/11/2015 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

Créé au début des années 2000 au sein de l’Hôpital Fann à Dakar, l’Atelier Moussa Diop accueille des personnes qui ont vécu ou vivent l’expérience d’un internement psychiatrique. L’Atelier Graphoui fut associé, en 2014, à l’organisation d’un atelier de cinéma d’animation qui venait compléter les domaines déjà explorés par l’atelier Moussa Diop : les arts plastiques, le théâtre, le slam. Il a accueilli en résidence deux animateurs de l’atelier sénégalais qui cosignent la réalisation collective. 

Lou bëth xayma de Moussa DioppLe court-métrage Lou bëth xayma fut présenté dans le cadre de la programmation off du festival des Arts de Dakar en même temps qu’une exposition des œuvres des participants à l’Atelier Moussa Diop.

Le film nous fait découvrir l’art-thérapie tel qu’il se pratique au Sénégal, la richesse des expériences et des réflexions qu’il suscite au sein de l’hôpital, mais aussi en-dehors de celui-ci.

Il fait le portrait d’un lieu, l’atelier, où se rencontrent, dans la convivialité, les patients, les animateurs, des artistes en quête de réalité. Les témoins racontent ce que représente pour eux l’atelier, la richesse de ce côtoiement où chacun partage avec les autres participants des images, des mots, des silences, un imaginaire.

Leurs récits se complètent et se mélangent, ils ne sont pas nommés. L’alternance du français et du wolof nous donne à comprendre l’enracinement de ceux-ci dans la culture traditionnelle africaine, par exemple ce que signifie la notion d’espace commun, la place où se tient la palabre. Le titre Lou bëth xayma est significatif à cet égard. Sa traduction du wolof n’en laisse pas percevoir, dans sa traduction française, toute la subtilité : Ce que l’œil prétend voir. Il s’agit à la fois de la capacité du regard à percevoir le réel, mais aussi la voyance, l’illusion, l’hallucination, le trompe-l’œil. Le travail d’animation traduit l’ambiguïté de cette définition.

Il n’y eut pas pour préparer celui-ci d’écriture d’un story-board. Les images naissent du jaillissement d’impressions à la vue des peintures, à l’évocation d’un mot, d’une expérience issue du quotidien.

L’atelier est un lieu où toutes les différences et tous les handicaps peuvent s’exprimer sans crainte d’un jugement ou d’un diagnostic. La psychiatrie n’y a pas sa place, sauf à l’heure du thé partagé à la façon d’un rituel d’hospitalité.

Les paroles de certains patients nous restent en mémoire, invitent à la réflexion : Tout ce que j’ai traversé, il ne faut pas le dire. Tout n’est pas bon à dire. (en wolof)

Ou encore : L’image de la pensée est l’image que l’on ne voit pas mais que l’on ressent.

Des visages peints sur les vitres de l’atelier, l’ombre d’un homme en chaise roulante projetée sur un mur, des portées musicales tracées sur un tableau noir, autant d’images/racines de la vie de l’atelier Moussa Diop.

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