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Maestro(s) de Bruno Chiche

Publié le 23/11/2022 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Le combat des chefs

Chez les Dumar, on est chef d’orchestre de père en fils : François (Pierre Arditi) est sur la fin d’une longue et brillante carrière internationale tandis que Denis (Yvan Attal), au sommet de la sienne, est enfin sorti de l’ombre de son père. Il vient de remporter une Victoire de la Musique Classique et enchaîne les succès et propositions. Les Dumar ont beau avoir l’oreille musicale, François et Denis ne s’entendent pas, leur relation se résumant depuis des années à des mesquineries verbales et autres jalousies professionnelles. C’est leur mère et épouse (Miou-Miou), lasse, qui joue les arbitres dans cette vieille dispute. Quand François reçoit un coup de téléphone inespéré lui apprenant qu’il a été choisi pour diriger la Scala, son vœu le plus cher, il se met à échafauder la suite de sa carrière en Italie. D’abord sincèrement heureux pour son père, Denis déchante lorsqu’il découvre qu’en réalité, suite à l’erreur d’une secrétaire qui les a confondus, c’est lui qui a été choisi pour aller à Milan…

Maestro(s) de Bruno Chiche

 

Avec cette histoire de malentendu qui vient envenimer une rivalité, Bruno Chiche (Barnie et ses petites contrariétés, Je n’ai rien oublié) signe une plaisante tragi-comédie construite principalement pour permettre à ses deux têtes d’affiche de sortir le grand jeu. Yvan Attal, sobre, s’avère plutôt touchant dans le rôle de cet homme adulé par les foules et encensé par la critique, mais qui souffre de n’avoir jamais gagné le respect de son propre père. Denis, comme le lui répètent son père et son ex-femme et imprésario (Pascale Arbillot), est un lâche. Il lui manque le courage d’affronter les peurs qui le paralysent : dire la vérité à son père sur ce terrible malentendu, avouer à sa fiancée (Caroline Anglade) - qu’il tente d’imposer en premier violon au sein de son orchestre - qu’elle n’a pas le talent nécessaire, admettre qu’il a peur de ne pas être suffisamment à la hauteur pour accepter le poste… Denis a tout pour arriver au sommet, mais, pétri de doutes en permanence, il laisse le regard autoritaire et le jugement de son monstre de père l’aplatir.

Quant à François, il s’agit d’un de ces personnages hauts en couleur dont Pierre Arditi a le secret : vaniteux, capricieux, grande gueule, de mauvaise foi, parfois ridicule dans ses obstinations, toujours terrifiant, François est une personnalité écrasante. Arditi brille notamment dans une scène de répétitions où, à l’instar de De Funès dans La Grande Vadrouille - en version sérieuse -, il terrifie de jeunes musiciens qui n’en mènent pas large. Il faut tout le talent de l’acteur fétiche d’Alain Resnais pour arriver à faire ressortir la douceur et la poésie de ce « monstre » qui n’aime pas vieillir et qui rejette ses frustrations sur celui « qui n’est pas le fils dont il avait rêvé ».

Maestro(s) est donc l’histoire d’un fameux gâchis : la rivalité entre deux artistes qui ont tout pour s’entendre : même passion, même métier, adoration commune de leur fils et petit-fils (Nils Othenin-Girard), mais que les ambitions identiques et la compétition ont fini par éloigner. Bien entendu, il s’agit ici d’une modeste comédie populaire lorgnant sur le mélo et formatée pour le prime-time ; Bruno Chiche ne prend pas énormément de risques et l’on ne doute jamais que les deux hommes finiront par se réconcilier devant les applaudissements du public de La Scala. Quant aux femmes… disons juste que quand on dirige des actrices du calibre de Miou-Miou et Pascale Arbillot, la moindre des politesses est de leur donner quelque chose à jouer ! Mais peu importe en fin de compte, car le réalisateur dirige ses deux stars à la baguette et leur affrontement, tantôt drôle, tantôt déchirant, donne lieu à deux très belles partitions.

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