Cela fait plusieurs années que Patrick Tass a quitté son Liban natal pour la Belgique où il vit et travaille. Sa mère cherche à garder le contact via des messages vocaux et des appels vidéo, mais les non-dits pèsent sur le lien.
Mea Culpa de Patrick Tass
Le décalage entre Randa, la mère, et Patrick, le fils, se fait fortement sentir dès l'ouverture du film non seulement par le caractère très éloigné de leurs vies que le film met côte à côte, mais aussi par le choix du dispositif à travers lequel chaque personnage s'exprime. D'un côté, s'enchaînent, l'un après l'autre, les messages vocaux de la mère qui, très expressive, adresse frontalement à son fils son amour et son angoisse. Et de l'autre, les réponses de Patrick prennent la forme d'une voix off, plus posée, plus analytique, adressée à sa mère non pas directement, mais par l'intermédiaire du film. Le lien entre la mère et le fils est rongé par la culpabilité et la communication est complexe. Il s'agit plutôt de deux monologues que le film développe, certes adressés, mais à sens unique.
En ancrant le rapport interpersonnel dans le contexte sociopolitique plus large du Liban, Patrick Tass prend de la distance avec l'immédiateté du vécu et cherche à comprendre. Dans son identité de réfugié palestinien au Liban, privé de nationalité et de droits, il ne retrouve aucune transmission, aucun héritage, mais surtout un mode de vie régi par le sentiment de la honte par rapport à ses origines. Lourd de ce vécu, c'est aussi la dissimulation de son identité queer auprès de sa mère qui rend son rapport avec elle fragile.
La rapidité du montage, l'intensité des plans ancrés dans le contexte social du pays et les références aux conditions de vie au Liban témoignent d'une ambiance sociale étouffante, où les malheurs s'enchaînent et sur lesquels les personnages du film et plus généralement le peuple libanais n'ont aucune de prise. Au milieu de cette urgence, Patrick Tass crée alors un espace pour déchiffrer le sentiment de culpabilité qu'il ressent pour sa mère, mais aussi le rapport à son pays et à son passé. Un espace pour prendre de la distance afin de se redéfinir et ainsi remettre une lettre à sa mère et à son pays natal, une lettre qui se fraye un chemin lucide libéré du vertige de l'échange direct.