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Miss de Ruben Alvès

Publié le 10/03/2021 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Miss, présenté en avant-première, au Festival du Film Francophone de Namur, a toutes les chances d’être un petit succès en salle. Et tant mieux pour lui parce qu’après tout, cette histoire de garçon qui se rêve en Miss France, assez naïve et sympathique, porte des idées progressistes qu’on a bien envie de défendre. Parce que ça ne serait pas formidable peut-être qu’un homme soit élu Miss France ?! Avec la candeur qui caractérise son personnage, pas mal d’humour et de tendresse, ce film, qui a l’ambition d’être une comédie populaire et chaleureuse, réussit finalement son pari : raconter le parcours du combattant d’un être qui veut vivre son identité comme il lui plaît et qui ne recule pas devant les obstacles pour y arriver. Sans leçon, sans morale, sans militantisme éreintant et excluant, le tout sur le ton de la comédie… Celui qui fait passer beaucoup de pilules.

Donc, Alex, comme ses camarades, raconte naïvement son rêve devant la classe : devenir un jour Miss France. Quand toute la classe éclate de rire, parce que ça n’est pas possible puisqu’il est un petit garçon, son joli sourire s’effrite. Quelques années plus tard, le jeune homme qui fait de la boxe retrouve l’un de ses anciens camarades, devenu champion dans sa catégorie. L’exemple le frappe au cœur et le voilà qui décide à son tour de réaliser son rêve et embarque toute sa famille d’adoption dans son aventure. Sa famille d’adoption, c’est une tripotée d’acteurs magnifiques et bien sentis : Isabelle Nanty en tenancière d’auberge à la fois tendre et castratrice ; Thibaut de Montalembert en travelo stylé et déchu qui fait le trottoir ; deux potes, l’un black l’autre beur qui dealent dans la même baraque…

 

Miss, un film de Ruben Alvès

On l’aura compris, le film ne recule devant aucun cliché. Au contraire, et c’est peut-être une grande partie de sa saveur, il les accumule pour mieux s’en amuser et nous faire rire. Les deux potes dealers à l’accent des cités sont plus progressistes que n’importe quel militant LGTB+… Thilbaut de Montalembert, en reine de la nuit déchue, est une drama queen bouleversante. Les Miss, qui s’alignent sagement, iront faire leur promo sur les plages belges en ramassant les ordures... Et une tirade entre Isabelle Nanty et la directrice de l’équipe des demoiselles en compétition viendra tout remettre à plat sur la stupidité des concours de beauté…

Miss, hyper calibré dans son scénario, avec ses rebondissements attendus, ses obstacles et ses retournements cumule les accents de téléfilm du dimanche soir mais ne perd pas son ton tragi-comique, sa tendresse pour ses personnages, son ambition modeste (réaliser un film bien ficelé)... Sans jouer les fers de lance d’une communauté trop souvent ostracisée, il ne revendique rien sinon le désir de son personnage et un monde aussi bariolé que les robes d’Isabelle Nanty.

 

Miss, un film de Ruben Alvès

Magnifiquement interprété par Alexandre Wetter, absolument sublime quelque soit l’identité qu’il se choisit, homme ou femme, Miss est seulement un peu trop sage (on rêve d’une autre fin) et calibré pour être absolument extravagant et totalement impertinent. C’est dommage, sans doute, et ça n’est pas du grand cinoche. Mais pourquoi bouder son plaisir ? Et puis finalement, n’était-ce pas extrêmement ambitieux que de vouloir réaliser une comédie populaire parfaitement calibrée pour un prime-time du dimanche soir sur un sujet qui hérisse le poil de certains gros beaufs plantés devant leur téléviseur à cette heure-là ?

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