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Mission to De Palma

Publié le 04/06/2008 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Livre & Publication
Mission to De Palma

Mission To De Palma

Nous venons de découvrir l’édition collector de Les Mille yeux de Brian de Palma de Luc Lagier. Version plus ancienne que celle que vient de publier Les essais/ Cahiers du Cinéma. Certes, cette première version ne dispose pas de la présentation du Dahlia noir et de Redacted mais de textes non épurés et surtout d’une série de planches de séquences de films de films en comparaison avec Alfred Hitchcock, Fritz Lang. On y voit notamment 10 photogrammes de la séquence du film d’Abraham Zapruder sur le meurtre du président Kennedy dont la photo 7 nous montre l’impact de la balle sur la tête. Des plans qui ont modifié la présentation de la violence dans le cinéma américain.

Pourtant, l’idée que « tout communique en réseau » est le principe même du cinéma de Brian De Palma et est donc tout naturellement au cœur de Mission to Mars, comme le souligne l’auteur. « L’univers n’est pas chaotique. C’est un réseau. Le vivant tend vers le vivant » affirme la femme de l’astronaute Mc Connel. Il s’agit d’un monde ouvert où toutes les espèces font partie d’un ensemble et où les distances sont contestées, « le passage de la terre à la lune s’effectuant en un simple raccord ».
Profitons-en pour parler de Mission to Mars (1999), film peu apprécié de la critique et du public et qui ne figure plus dans la seconde version de l’opus de Lagier.

De Palma a expliqué lors de la sortie du film vouloir quitter sa série de films cyniques (l’Impasse, Mission impossible, Snake eyes). Coup de dé raté. Manque de pot, son public n’aime pas cela.

Mission to Mars, donc. En 2020, une équipe américaine en mission sur Mars est décimée. La planète rouge abrite un terrifiant secret. Un survivant parvient à émettre un message vers la terre. La NASA envoie une mission de sauvetage, composée de 4 astronautes victimes d’un accident en approchant de la planète Mars. Les astronautes abandonnent leur vaisseau et, en quittant tous les repères connus, sombrent dans l’immensité spatiale. Woody Blake rompt avec ses coéquipiers (parmi lesquels sa femme Terry) et dérive dans l’espace, à un point de non-retour en pénétrant dans l’antichambre de la mort. Point culminant du film et scènes superbes, hallucinantes où Blake se suicide dans l’espace-temps sous les yeux de Terry.

Nous sommes à la quarante-cinquième minute du film. De Palma morcelle son plan séquence d’origine. « Terri et Woody Blake n’habitent plus le même plan, chacun occupant son propre espace filmique. Auparavant, tout paraissait pouvoir communiquer. Cette fois-ci, chacun occupe un espace inéluctablement imperméable. Dans un film où jusque-là, le lointain (les différentes espèces animales, la planète Mars) paraissait finalement proche, le proche va cette fois s’éloigner lentement ».

Ce film sur le temps qui passe et le deuil impossible (en 1997-98, le réalisateur perd son frère et sa mère) mérite d’être revu. Il risque de devenir l’un des films les plus ensorceleur de la boîte à Pandore de Brian De Palma.

Enfin, signalons que le titre du livre est dû à Les Mille yeux du Docteur Mabuse de Fritz Lang (quatrième et dernier des Mabuse qui ont démarré en 1922 avec Le Joueur). Luc Lagier nous dévoile les relations entre Mabuse et le diabolique Swan de Phantom of the Paradise (1974). « Pour Lang, on dirait qu’il n’y a plus de vérité, mais seulement des apparences. Lang américain devient le plus grand cinéaste des apparences, des fausses images (d’où l’évolution des Mabuse » (1). Phantom of the Paradise est un film qui explore un monde fondé sur l’obsession de l’enregistrement sonore et visuel. Un film faustien où les personnages « ne vendent pas seulement leur âme au diable, ils vendent également leur image ». L’incroyable vérité telle que Fritz Lang l’élabore.

(1)   Gilles Deleuze, Cinéma 2, l’Image-temps

Les Mille yeux de Brian De Palma de Luc Lagier, éditions Dark Star