Au bout de dix années passées au Danemark, José Thérèse revient dans sa terre natale, l’Île Maurice, après avoir entendu que celle-ci est devenue la première puissance de l’Océan Indien. Sceptique et voulant se faire sa propre idée, il arrive sur place, sillonne ces rues qu’il a tant connues, pour finalement constater que la situation sanitaire et sociale n’a fait que s’aggraver au fil des années. Marqué par la douleur et l’indignation, il décide de créer un atelier de musique, Mo’zar, destiné entre autres à favoriser l’intégration par l’éducation et la pratique des arts.
MO’ZAR MON STYLE, Sébastien Petretti
Sébastien Petretti suit le parcours d’une jeune adolescente issue des quartiers défavorisés de Port-Louis, Nolwenn, qui fait ses premiers pas dans cet atelier. À la suite d’un épisode de harcèlement et de violences scolaires, Nolwenn est plus introvertie que jamais, générant l’inquiétude de sa mère. Tout d’abord sur ses gardes, elle peine à trouver une certaine confiance dans ses interactions avec les élèves et enseignants. Mais la découverte du piano, puis du chant constituent pour elle un ravissement sans égal. Nolwenn finit par accueillir cet atelier comme un exutoire, un lieu d’expérimentations sociales et artistiques.
Toutefois, ce film raconte aussi la solitude et le labeur quotidien de la mère de Nolwenn, dévouée corps et âme au bien-être de ses enfants, toujours occupée à mille activités pour subvenir à leurs besoins et les soutenir dans leur vie. Il raconte aussi ses déboires pour jouir d’un logement aux normes et décent. La musique faisant partie de sa vie, elle encourage Nolwenn dans sa pratique de l’instrument et du chant. Elle observe peu à peu l’influence positive de l’atelier de musique sur sa fille, devenue plus démonstrative, confiante et épanouie. La bienveillance et le partage étant les mots d’ordre de Mo’zar, Nolwenn finit par s’y sentir à sa juste place, malgré la froideur stricte et désobligeante de la superviseuse, une occidentale francophone dont la posture est assez ambivalente. Très attachée à l’épanouissement social et musical de ses élèves, elle ne les lâche pas, au risque d’être quelque peu étouffante. La mère de Nolwenn, en cela, continue d’apprendre à sa fille à réagir si on lui manque de respect.
En définitive, les deux enseignements sont favorables à Nolwenn, celui de Mo’zar et celui de sa mère, mais indissociables. L’un comme l’autre lui garantissent un cadre social avec ses propres codes, qui favorisent son adaptabilité et son esprit critique.
Le film de Sébastien Petretti rend un bel hommage aux efforts de l’idéaliste José Thérèse (narrateur du film) pour l’éducation et le progrès social. Un film réalisé avec délicatesse et simplicité, dans une économie de moyens qui favorise l’authenticité du récit. La relation entre Nolwenn et sa mère est décrite avec une justesse qui en saisit toute la complexité et retranscrit les émotions même les plus discrètes. Les parties musicales, vraisemblablement enregistrées directement en live, apportent l’énergie de liberté et de spontanéité qui émerge graduellement dans le film. On y découvre certains grands classiques de jazz et de blues réarrangés avec les influences du Séga, musique et danse traditionnelles mauriciennes.
Mais enfin, nous sommes bien obligés d’admettre que le film redouble d’intensité dès lors que Nolwenn se met à chanter, tant sa jeune voix est juste, candide et envoûtante.