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Never Grow Old d’Ivan Kavanagh

Publié le 09/03/2020 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Western crépusculaire et atonal, le sixième long-métrage de l'Irlandais Ivan Kavanagh décrit la lente détérioration d'une petite bourgade des Etats-Unis dévorée par le mal, le religion et la violence. Avec son casting cosmopolite et d'une grande justesse, le cinéaste offre un film maîtrisé, pudique et brutal, qui interroge nos possibilités de choix avec subtilité.

Patrick Tate (Emile Hirsch), charpentier et entrepreneur de pompes funèbres, vit avec sa femme Audrey (Déborah François) et ses deux enfants en périphérie d'un village sur la route de la Californie en pleine période de la Ruée vers l'or. Leur vie paisible et leur souci de s'intégrer à la population locale gouvernée par un shérif transparent et un prédicateur extrémiste, sera gravement mis en danger par l'arrivée de trois criminels, ombres terribles charriant la haine et la cruauté.

Figure assez peu exploitée dans le western, le croque-mort est pourtant omniprésent, le plus souvent comme personnage secondaire et taiseux, dans l'imagerie et la mythologie du cowboy. Alors qu'il est celui qui vient généralement après l'action (règlements de comptes divers, pendaisons des condamné.e.s, épidémies), il est ici héros ordinaire confronté à une violence extrême et croissante sur laquelle l'ensemble du récit est construit et contre laquelle il sera forcé d'agir pour protéger sa famille.

Si le réalisateur se tient très proche de Tate, il met également en lumière la force d'autres personnages, surtout des femmes, souvent en première ligne, victimes écrasées par la domination masculine mais qui résistent au prix de leur sang. Audrey est le vrai moteur du couple, elle prend les décisions, elle force son mari à agir, lui qui semble souvent perplexe, dépassé par la mécanique de la violence qui ne cesse de s'accélérer tout au long du film.

Déborah François et Emile Hirsch jouent magnifiquement ce couple traversé par la souffrance mais aussi par des questionnements moraux et éthiques qui remettent en question leur propre relation. Audrey lève le voile des yeux de Patrick sur son positionnement en tant qu'être humain face au mal et aux injustices. La mise en scène permet cette distance. Nous sommes loin des grands espaces et de l'héroïsme flamboyant. 
La palette des couleurs est réduite; les journées dans les tons plutôt gris, des traces de rouge foncé, des arbres nus et secs, les nuits jaunes-ocres dans les maisons et les tavernes. Les plans souvent serrés, ne jugent pas les personnages même dans ce qu'ils peuvent avoir de plus caricatural et d'antipathique, le révérend mystique et les trois cavaliers de l'enfer.

Le cinéaste ne se vautre absolument pas dans la violence, nous sommes loin d'un film cynique; la violence éclate puis s'éteint sur un rythme de plus en plus fréquent. Ce qui semble intéresser le plus Ivan Kavanagh est cette relation d'amour bienveillante entre Audrey et Patrick, de celle qui permet justement de vieillir tout en restant libre de ses choix. Never Grow Old, offre également à John Cusack et à Sam Louwyck des performances assez féroces de criminels dont la cruauté n'a d'égale que leur faiblesse.

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