Orson Welles
Un livre – plus exactement un épais volume illustré – qui, quittant l’idée du mythe Welles, s’intéresse à un réalisateur au travail.
Jean-Pierre Berthomé et François Thomas nous plongent dans une aventure étourdissante qui est en elle-même un conte ou un film fantastique. Hyperactif, Welles nous a légué douze longs métrages achevés, et un nombre important d’émissions télévisées ou radio, de pièces de théâtre ou de numéros de magie.
Welles est un cinéaste créatif surmené, courant plusieurs lièvres à la fois, au point que nombre de ses projets de films sont restés inachevés comme It’s all true, Don Quichotte, The Deep et The Other side of the wind.
Welles n’hésite pas à signaler à l’un de ses chefs opérateurs qu’il a besoin de travailler « un minimum de dix-huit heures par jour ».
Welles aime les films prototypes. Il est d’abord un expérimentateur et il l’est autant dans les méthodes de travail adoptées que dans le résultat esthétique recherché. « Chaque œuvre consiste à planter un drapeau sur une nouvelle île ou sur un sommet invaincu ».
Welles déplore que l’Hollywood des années quarante et cinquante (la grande époque du classique) se soit acharné à tout maîtriser. Ce que son esprit de création ne peut accepter parce qu’il « ne se tient jamais à des principes de travail arrêtés ». Décors naturels ou studio ? « Tout dépend du projet et des possibilités financières ou logistiques ».
Berthomé et Thomas nous montrent l’évolution des méthodes de travail de Welles lors de l’œuvre européenne.
Pour tourner plus vite, il s’adapte et renonce au son direct, ce qui lui permet de se consacrer plus longtemps au montage. C’est l’une de ses métamorphoses, son intérêt de plus en plus important pour le montage image et le montage son qui s’achèvera (hélas) avec l’inachevé The Other side of wind.
Un aspect peu connu de Welles surgit dans sa volonté de maîtriser le décor et le montage. Il restreint le rôle des décorateurs. Il a pris, du théâtre, l’habitude de créer lui-même costumes et décors dès 1947 avec Macbeth. Mais c'est surtout en Europe qu'il se réserve volontiers leur conception, ne laissant aux titulaires des postes qu’une fonction de simples exécutants.
Plus intéressant encore est la volonté du réalisateur de Falstaff de diminuer le rôle des monteurs. « Welles les réduits à être des assistants, soit parce qu’il a tout prémédité pendant la préparation et sur le plateau, soit, au contraire, parce qu’il ne peut déléguer à quiconque le montage d’un matériau surabondant dont lui seul a les clés ».
Jean-Pierre Berthomé, François Thomas, Orson Welles au travail, éditions Cahiers du Cinéma.