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Papicha de Mounia Meddour

Publié le 04/10/2019 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Rebelle, Rebelle

À Alger, au début des années 90, Nedjma (Lyna Khoudri), 18 ans, étudiante dans une cité universitaire, sort faire la fête dans des boites de nuit où, à l’abri des regards masculins, elle fait le commerce de ses créations vestimentaires. Nedjma, qui a beaucoup de talent, rêve de devenir styliste. Ses robes font fureur auprès des commerçants de la cité. Mais la situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. L’Algérie connaît les prémices de sa « décennie noire », avec le retour en force de l’intégrisme religieux. Les attentats et les meurtres en rue se multiplient, faisant des dizaines de victimes. Refusant cette fatalité, Nedjma, inséparable de Wassila (Shirine Boutella), sa meilleure amie, ne porte pas le voile. Non-pratiquante, elle se moque de la religion. Nedjma et Wassila représentent la modernité au sein d’un état totalitariste qui se referme sur lui-même. Elles sont coupables du pêché d’aimer la vie : elles rêvent de strass et de paillettes, veulent danser, chanter, draguer et étudier pour faire le métier qu’elles choisiront. De vraies rebelles ! D’ailleurs, dans leur chambre, trône un poster de Roch Voisine ! Tout est dit... Inspirée par le courage de sa sœur aînée, Linda (Meriem Medjkrane), une journaliste dénonçant régulièrement l’obscurantisme qui frappe le pays, Nedjma décide elle aussi de braver les interdits, à sa manière, en organisant un défilé de mode sur le campus de l’université.

Lyna Khoudri dans Papicha

 

Nedjma, qui a beaucoup de talent, rêve de devenir styliste. Ses robes font fureur auprès des commerçants de la cité. Mais la situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. L’Algérie connaît les prémices de sa « décennie noire », avec le retour en force de l’intégrisme religieux. Les attentats et les meurtres en rue se multiplient, faisant des dizaines de victimes. Refusant cette fatalité, Nedjma, inséparable de Wassila (Shirine Boutella), sa meilleure amie, ne porte pas le voile. Non-pratiquante, elle se moque ouvertement de la religion. Nedjma et Wassila sont coupables du grave péché d’aimer la vie : elles rêvent de strass et de paillettes, veulent danser, chanter, draguer et étudier pour faire le métier qu’elles choisiront. De vraies rebelles !

Inspirée par le courage de sa sœur aînée, Linda (Meriem Medjkrane), une journaliste dénonçant régulièrement le retour de l’obscurantisme qui frappe le pays, Nedjma décide elle aussi de braver les interdits, à sa manière, en organisant un défilé de mode sur le campus de l’université.

Nedjma et Wassila sont surnommées « papichas » par certains hommes de la cité, un terme familier et sexiste, équivalent de la « nana » française. Pour les intégristes religieux, cependant, les papichas sont des filles sans morale, la risée de la société. Ils les insultent en leur disant que « les anges les maudissent jour et nuit ! » Un jour, à l’université, un homme armé vient coller des affiches déclarant le port du hidjab et la prière obligatoires, avec les mots : « Ma sœur, ton image nous est chère. Obéis, sinon on s’occupera de toi ! » Lors d’un cours de français, des femmes voilées de la tête aux pieds agressent le professeur, aux cris de « Maudits soient ceux qui parlent une langue étrangère ! » Ces terroristes cherchent à créer un état islamique archaïque et primitif, où leur version pervertie de l’Islam et le patriarcat règnent en maîtres, où le corps féminin doit être asservi à leur contrôle absolu. Nous sommes dans une société où un jeune homme s’offusque de la « nudité » d’une femme parce qu’elle porte un jean et dénude ses épaules, où l’on pose une bombe dans un vidéoclub parce qu’il loue les films indécents des « infidèles »… 

La situation s’envenime en très peu de temps et, pour les femmes, le pays devient une véritable prison. Un jour, un garçon pour qui on en pinçait tombe le masque pour révéler un intégriste de la pire espèce. Le lendemain, une amie de dortoir, enceinte d’un autre homme que celui qu’elle doit épouser lors d’un mariage arrangé, craint sérieusement pour sa vie. Bientôt, le marchand de tissu chez qui Nedjma se fournit n’a plus le droit de vendre d’autres habits féminins que le hidjab (tissu antibactérien absorbant, qui élimine la sueur et les odeurs, anti-glamour garanti !…) Pour sortir de la cité universitaire, la nuit, Nedjma doit soudoyer Mokhtar, le gardien du campus, mais, profitant du climat politique, ce dernier se met à exiger des faveurs sexuelles. Pour Nadjma et ses amies, le harcèlement sexuel est quotidien.

 

Papicha de Mounia Meddour

 

Mais Nedjma est une héroïne, une vraie, toujours insoumise. A la religion, au harcèlement, aux dictats de la société. Son petit ami lui propose de se marier et de s’exiler en France. Mais cette proposition, perverse car prenant l’amour comme prétexte, ressemble à un asservissement à peine déguisé. Nedjma refuse catégoriquement toute concession, car sa vie et sa famille sont en Algérie. Son attachement à sa terre natale est trop fort. Elle refuse d’admette que son Algérie adorée est devenue « une immense salle d’attente dont tout le monde veut sortir ». En organisant son défilé, Nedjma sait qu’elle s’expose et qu’elle expose également ses amies à la violence, à la prison, qui sait… peut-être même à la mort.

Inspiré de faits réels, ce brûlot magnifique et choquant de Mounia Meddour montre le dilemme cornélien qui touche Nedjma : tout tenter au nom de la liberté, au risque d’être abattue ou renier ses principes et se taire. Classique dans sa construction, mais très efficace dans sa graduelle description d’un étau qui se resserre, Papicha est le cri de rage d’une jeune femme désirant simplement vivre comme elle l’entend. Le film dévoile le talent de son actrice principale : l’exceptionnelle Lyna Khoudri (déjà vue en France dans La Fête est finie, bientôt à l’affiche de Hors Normes, du duo Nakache / Toledano et du prochain Wes Anderson). Aucun doute là-dessus, cacher et museler une femme comme celle-là relèverait vraiment du crime contre l’humanité.

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