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Planet B de Pieter Van Eecke

Publié le 06/11/2023 par Nina Alexandraki / Catégorie: Critique

Bo et Luca, deux jeunes lycéens belges, sont habités par l’angoisse climatique qui peuple leur environnement. Ils décident alors d’agir et rejoignent le groupe Rébellion Extinction. Pendant quatre ans, le cinéaste Pieter Van Eecke va suivre, à travers le chemin de ces deux jeunes dans la lutte militante, une entrée difficile dans l’âge adulte au sein d’un monde incertain et irresponsable.

Planet B de Pieter Van Eecke

Les deux protagonistes de Planet B incarnent une dure réalité que nos temps réservent aux plus jeunes, celle d’avoir toute la vie devant soi, mais d’habiter un monde dont l’avenir promet la fin de la vie tout simplement. 

Ils décident de ne pas laisser ce paradoxe et cette incompréhension n’être qu'un fond sonore radiophonique, mais de les mettre au service du militantisme écologique en s’engageant auprès du mouvement international de désobéissance civile Extinction Rébellion. Les inquiétudes de chacun sont identifiées et analysées dans la collectivité pour se résumer en cette question cruciale de “comment sauver le monde ?”. Les deux jeunes prennent la question au sérieux. “C’est trop”, conclut Luca en faisant résonner l’angoisse climatique dans la vérité de celle-ci, une vérité qui nous dépasse et nous donne le vertige. 

Mais c’est un vertige qui les pousse à agir et à revendiquer que la caméra à l’épaule capte, collée au plus près de Bo et de Luca, tout en les ancrant dans la complexité de leur contexte, tantôt accueillant, tantôt hostile. 

Le montage rythmé enchaîne les scènes où l’action s’organise et s’exécute : interventions dans les usines et sur les autoroutes, désobéissance civile à Bruxelles. Le film s’infiltre dans l’univers militant d’Extinction Rébellion et nous fait rencontrer la joie du travail collectif et de la lutte. Dans de belles scènes d’action militante, le film transmet avec tendresse l’intensité et l’audace de ces jeunes corps agités qui prennent les rues, s’allongent sur l’asphalte devant la police et lèvent leurs voix pour chanter au pouvoir qu’ “avec les niveaux de la mer qui se lèvent, on se lève aussi”. Dans la créativité de la lutte, des mondes entiers semblent se former et proposer d’autres possibles. 

Mais cette vitalité se heurte à la triste réalité de notre monde actuel fait d’indifférence, de répression, de violence policière et d’arrestations. Les jeunes protagonistes se font bousculer, menotter, et passent des nuits en cellule. 

La question qui va alors occuper la deuxième moitié du film est celle du comment être jeune et tenir dans cette lutte urgente qui semble inaudible ? Pieter Van Eecke suit ses personnages et les écoute avec attention dans ce chemin personnel : “qu’est-ce qu’être vraiment rebelle”, se demande Luca, qui, plus habité, plus impulsif, cherche la radicalité, ce qui n’est pas sans le fragiliser, alors que Bo, plus réfléchie et modérée, mesure et garde ses forces. 

En révélant la maturité désarmante, le pragmatisme et l’audace de ses protagonistes, le film dresse le portrait dur, mais rempli d’espoir de la détermination d’une jeunesse qui n’a pas le temps de l’insouciance, et qui doit porter haut le sablier, symbole d’Extinction Rébellion, et courir contre la montre de la catastrophe que ses prédécesseurs ont déclenchée.

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