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Que la suite soit douce d’Alice De Vestele 

Publié le 15/07/2012 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Que la chute soit douce…

Après La fiancée de Saint-Nicolas, réalisé dans le cadre de la fin de ses études à l’IAD, après Noël 347 et L’heure bleue, tous deux cosignés par Michael Bier, Alice de Vestele retrouve le bleu des villes désertées et les corps solitaires pour son quatrième long métrage, Que la suite soit douce, récompensé lui aussi au Brussels Film Festival de deux prix, dont celui de TV5 Monde. Lui aussi car Que la suite soit douce semble fonctionner en binôme avec New Old Story d’Antoine Cuypers, Prix du meilleur court métrage, lui aussi produit par Entre Chien et Loup, lui aussi écrit par Antoine Cuypers.

 Que la suite soit douce d’Alice De Vestele 

Et les similitudes ne s’arrêtent pas là : tous deux semblent rebondir de l’un à l’autre, partageant le même univers, les mêmes motifs et des obsessions proches. Solitude urbaine, corps en fuite, énergiques et irrésolus, c’est la même façon d’irriguer l’histoire en filmant des corps à travers leur énergie pulsionnelle et violente… ardente. Que la suite soit douce est l’histoire d’une course, course contre la mort, contre la mort de l’amour, contre l’amour, vers l’amour… Une course qui n’en finit pas, à moins de trébucher, de tomber, de chuter dans les bras de l’autre ou un peu à côté… ailleurs. Mais tout est dit ou presque dans ce premier plan, travelling latéral qui balaie les cabines d’un phone shop où les femmes pleurent dans le combiné les unes après les autres jusqu’à Jules, qui elle ne pleure pas dans l’appareil, mais s’apprête à défoncer la cabine et courir casser la gueule au « salaud » de l’autre côté de l’appareil. D’ailleurs, c’est ce qu’elle s’empresse de faire, mais aux prises avec les portes fermées de l’appartement du « sale type », ce sont ses mains à elle qui en prennent plein la gueule. Autrement dit, Jules n’est pas du genre à s’avouer vaincue. Mais après la rage, le désespoir… Dans le métro, le saut dans le vide n’est pas loin jusqu’à ce qu’un type bizarre s’empare d’elle au bord du quai, puis de son corps dans une belle scène d’amour, puis de son cœur. Mais comme elle boxe, et que lui est plutôt du genre à foncer, cela ne va pas sans sauts en arrière, petits pas en avant, grandes enjambées amoureuses et coups dans l’estomac.

Ce qui fait l’étonnante douceur de Que la suite soit douce est cette distance un peu lointaine et glacée par quoi le film capte tous ses événements dans des lieux insipides, des prototypes de non-lieux, en travaillant une palette de couleurs bleutées et glaciales qui vient définir les contours par contraste des corps chauds et irrigués, portés, poussés dans l’avant. Comme un tableau, le film travaille ces deux matières, d’une part la ville morte et aride, d’autre part les corps bien vivants, qu’il oppose et fond, fait courir les uns sur les autres, jusqu’à les contaminer par instant. Car jusqu’à quand les corps sont-ils bien vivants ? Question qui vient exploser violemment à l’écran dans la toute dernière scène, saisissante, effrayante, celle d’un autre saut, une chute finale.

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