Cinergie.be

Rebelle de la science de David Deroy

Publié le 05/03/2018 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Un scientifique au poil…
« Etendre l’esprit de justice et de fraternité à tous les animaux une fois que l’Homme se sera affranchi du racisme et du colonialisme », voilà l’ambitieux objectif que s’était fixé Bernard Heuvelmans (1916-2001), un Belge hors du commun, méconnu du grand public, mais très proche de personnalités comme Hergé ou Henri Vernes, qui étaient ses amis. L’Abominable Homme des Neiges de « Tintin au Tibet » et bien d’autres planches signées Hergé sont inspirés de ses recherches ! Le documentaire de David Deroy est un véritable bond en arrière dans les années 60 qui nous fait (re)découvrir ce scientifique original, curieux et excentrique, via une multitude d’images d’archives pleines d’humour qui couvrent sa carrière (brillante) et sa vie privée (mouvementée). Rebelle de la Science recueille les témoignages des proches de Heuvelmans : sa compagne, son fils, ceux qui ont étudié son œuvre et même Henri Vernes. Ils parlent de lui à l’unanimité comme d’un être exceptionnel.

Rebelle de la scienceScientifique de renom, auteur à succès, homme de télévision, ancien chanteur de jazz (dans les années 30), Heuvelmans était surnommé en France le « Sherlock Holmes de la zoologie ». Son œuvre, c’est 50 ans de recherches poussées et méticuleuses, contenues dans des archives précieuses. En 1955, il publiait « Sur la Piste des Bêtes Ignorées », un ouvrage scientifique majeur qui jetait les bases d’une nouvelle science : la crypto-zoologie ou la « science des animaux cachés ». Ses nombreux livres, illustrés par les merveilleux dessins de sa compagne Alika Lindberg, furent traduits dans une dizaine de langues. Heuvelmans croyait dur comme fer à l’existence (parallèle à celle de l’Homme) de créatures anthropoïdes, connues par le grand public sous le nom du Yéti ou de l’Abominable Homme des Neiges. Selon lui, l’Evolution chère à Darwin n’était pas linéaire mais « buissonnante », comme un arbre : il soutenait la thèse que d’autres catégories d’hommes avaient évolué différemment et co-existé. Il était persuadé que certains de ces « cousins » avaient survécu dans des régions reculées de l’Asie Centrale ou du Caucase. Il ne put jamais – c’était là son grand malheur – en apporter la preuve.
Ce qui nous amène à la polémique qui a agité la carrière de ce grand homme : « L’Homme congelé du Minnesota ». En décembre 1968, Bernard Heuvelmans examine, dans une ferme du Minnesota, le cadavre d'une espèce d'homme inconnue de la science, prisonnier d’un bloc de glace. Le robuste hominidé étendu sous ses yeux, étonnamment velu, possédant de longs bras et de larges pieds, se distingue par un mélange de caractères humains et simiens. Il était exposé par son « propriétaire », un certain Frank Hansen, dans une roulotte foraine et sa provenance reste un point d’interrogation. Selon le scientifique, ce « Minnesota Iceman » était un Néandertalien ayant miraculeusement survécu avant d’être abattu par un homme. Heuvelmans baptisa l'espèce « Homo Pongoïde ». Cette découverte aurait dû révolutionner la science, la philosophie, la religion et corroborer toutes ses théories. Mais ayant peur des répercussions sur sa vie, questionné par le F.B.I., Frank Hansen disparaît avec la créature sans laisser de traces. En l'absence de preuves matérielles, son authenticité ne fut jamais admise par la communauté scientifique. L’affaire fit grand bruit dans la presse à sensation et Heuvelmans fut très critiqué par ses pairs pour sa crédulité face à ce qui, de l’avis général, ne pouvait être qu’un canular. Mais Heuvelmans n’en démordra jamais et fut persuadé jusqu’à la fin de sa vie de la validité de cette découverte. Face aux critiques et moqueries, il écrit au début des années 70 « L’Homme de Néandertal est toujours vivant », dans lequel il règle ses comptes avec la communauté scientifique.
Ce joyeux portrait d’un aventurier magnifique et séducteur nous montre un homme dont la grande rigueur scientifique était contrebalancée en permanence par un désir débordant de merveilleux ainsi qu’une grande part de poésie. Un doux rêveur particulièrement attachant, dont la plus grande crainte était que l’homme soit seul sur Terre. Sa vie fut passionnante jusqu’à son dernier souffle et c’est un vibrant hommage bien mérité que lui rend David Deroy !

Tout à propos de: