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Red Sandra de Jan Verheyen et Lien Willaert

Publié le 26/10/2021 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Sandra, Princesse Rebelle

William (Sven De Ridder) et Olga (Darya Gantura) sont effondrés lorsqu’ils apprennent que leur petite Sandra (Rosalie Charles), 6 ans, souffre d’une leucodystrophie métachromatique (LMD), une maladie génétique et musculaire rare qui affecte le système nerveux central et périphérique et qui aboutit, à long terme, à une sclérose cérébrale. L’espérance de vie est de deux ans à partir de l’apparition des premiers symptômes, ce qui ne laisse a priori à Sandra plus qu’un an à vivre. Bouleversés, ils doivent écouter les médecins leur expliquer comment la maladie va évoluer : Sandra sera bientôt incapable de tenir debout et perdra petit à petit l’usage de ses membres, jusqu’à une paralysie complète. Elle perdra ensuite la parole, la vue, ses capacités intellectuelles déclineront progressivement et elle finira dans un état végétatif. Il n’y a que 2 000 patients atteints de cette maladie dans le monde.

 
Red Sandra de Jan Verheyen et Lien Willaert

Chacun réagit à sa façon à ce cruel verdict : Olga vit au jour le jour en observant l’enfant dépérir. William, quant à lui, véritable papa-poule, invente un conte de fées pour distraire Sandra, dans lequel elle devient une princesse-sirène privée de jambes. La morale du conte : rien n’est impossible ! Naïf, peut-être, mais l’optimisme de William l’aide à ne jamais baisser les bras. Lorsqu’il apprend qu’un traitement efficace, le Matoxym – qui n’annihile pas la maladie, mais retarde ses effets – est utilisé et développé à Copenhague par la firme Zymatox, il rend un peu d’espoir à son épouse. Mais la candidature de Sandra au traitement est rejetée par la firme parce qu’à bientôt 7 ans, elle est déjà trop âgée pour les tests, auxquels seul un nombre très limité de patients ont droit. Le couple décide alors d’acheter le médicament, mais fait face à de nombreuses complications : - le traitement, en phase d’essai, n’est pas autorisé en Belgique ; - une seule dose de cette « potion magique » coûte 15 000 euros et Sandra nécessite 3 doses par mois. « Elle va mourir parce que nous ne sommes pas millionnaires ! », s’indigne William dans un moment de découragement. 

Faisant appel à la presse belge pour alerter sur leur cas et sur les manquements de la Belgique vis-à-vis des directives européennes en matière de soins de santé, le couple reçoit, miracle de Noël, un million d’euros de dons, dans un formidable élan de solidarité nationale. Mais ce nouvel espoir sera bref : William et Olga tombent de haut lorsque le PDG de Zymatox refuse de leur vendre le produit promis. « Chaque nouveau traitement arrivera toujours trop tard pour au moins un patient », se justifie-t-il froidement. Et l’opinion publique belge de se retourner violemment contre le couple, accusant William et Olga d’avoir volé leurs dons pour se faire de l’argent sur le dos de leur enfant malade. 

À partir de quel moment l’obstination devient-elle déraisonnable ? William se voile-t-il la face en refusant d’accepter l’inévitable ? Aimer quelqu’un n’implique-t-il pas parfois de lâcher prise ? C’est le débat lancé par le film, notamment lors d’une scène de dispute intense entre William et sa propre mère (Viviane De Muynck), qui, croyant bien faire, incite le couple à «passer à autre chose». Un fatalisme encouragé par le caractère quasi inévitable du lourd diagnostic de Sandra, mais auquel William refuse catégoriquement de souscrire. Dès lors, c’est dans une véritable bataille juridique et éthique contre l’industrie pharmaceutique que va se lancer l’héroïque papa. David contre Goliath ! Il va harceler publiquement le PDG de Zymatox, rameuter la presse internationale et organiser des happenings, au risque de perdre, en plus de sa fille, son couple et sa maison. En effet, à tant voyager, au Danemark, en Angleterre, ne risque-t-il pas de perdre ce temps précieux qu’il pourrait passer avec sa fille ? 

Le conte que William improvise tous les soirs pour Sandra (visualisé à l’écran par des collages animés de manière « old school ») trouve un écho dans sa courageuse croisade. Certains trouveront Red Sandra trop tire-larmes dans son aspect conte de fées familial. Certes, le film, avec son ton rose bonbon et ses personnages 200% positifs, ne manque pas de maladresses malgré sa sincérité. William est un tel bloc de dignité face à l’adversité qu’il n’est pas loin d’être un saint. Et, même si le film de Jan Verheyen et Lien Willaert est inspiré d’une histoire vraie qui a défrayé la chronique en Belgique, citer Lorenzo’s Oil, le chef-d’œuvre de George Miller sur un sujet similaire, c’est un peu donner la corde pour se faire pendre au jeu de la comparaison… 

Néanmoins, pour les moins cyniques qui n’ont pas peur d’un authentique feel good movie, Red Sandra (non pas « Sandra la Rouge », mais « Sauvons Sandra » en flamand) sera l’occasion d’en apprendre plus sur une maladie méconnue et, surtout, de se passionner pour les rouages dignes d’un thriller qui se mettent en branle dès que William s’attaque à « Big Pharma » et pointe du doigt les dysfonctionnements de notre pays. Car les injustices auxquelles cette famille est confrontée, pour le crime d’avoir voulu sauver leur enfant, sont dures à avaler ! C’est dans ces scènes en particulier que le film devient passionnant.

 

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