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Rencontre avec Adrien François, directeur du 7è Festival International du Film de Comédie de Liège (FIFCL)

Publié le 25/10/2022 par David Hainaut et Harald Duplouis / Catégorie: Entrevue

"On aimerait voir plus de comédies se faire en Belgique" (Adrien François)

Malgré un nombre déjà important de festivals de cinéma en Belgique, le premier à avoir opté pour la comédie a réussi à se faire une place en à peine six éditions, depuis sa création en 2016. Ce nouveau cru, du 3 au 7 novembre, s'ouvrira avec l'avant-première du film Le Petit Piaf, et recevra notamment Benoît Poelvoorde, Christian Clavier, Gérard Jugnot, Kev Adams, André Dussollier, Karin Viard ou encore Patrick Bruel.

Rencontre avec le Liégeois à qui l'on doit l'initiative de cet événement, Adrien François. Un directeur d'à peine trente-et-un ans qui a créé son festival sur une idée du comédien Jean-Luc Couchard.

Cinergie:  À quelques jours du début des hostilités, comment allez-vous ?

Adrien François : Comme un boulimique de cinéma donc, très bien (sourire) ! Le festival se rapproche, avec pas mal d'échéances et de timings à respecter. Mais j'ai la chance d'avoir une équipe formidable qui se mobilise au quotidien pour la réussite de l'événement. Nous sommes ravis de la qualité des films et des invités, qui viendront des quatre coins du monde pour rencontrer le public et débattre. Fédérer grâce à la culture, c'est ce qui me tient le plus à cœur. Puis à Liège, la période coïncide avec la foire annuelle, ce qui nous permet d'attirer plus de familles. Car on tient à rester un festival populaire.

 

C. : Tout en prenant un tournant international, symbolisé par un nouveau soutien de TV5 Monde...

A.F. : Et de France Télévisions, aussi ! On essaie d'avancer avec humilité, en acceptant le temps de se faire connaître. On est de plus en plus exigeant dans le choix des films (longs-métrages, courts, documentaires), en essayant de proposer une programmation diversifiée et qui touche toutes les générations. La comédie, c'est large : on connaît la bonne grosse comédie, mais il y a aussi la sociale, la dramatique, la noire... Mais je pense que le festival rayonne de plus en plus, en suscitant toujours plus de curiosité, tant des professionnels que du public.

 

C. : ...et d'invités toujours plus prestigieux !

A.F. : Oui. Et qui dit sept éditions dit cette année l'organisation de sept rencontres, autour de Christian Clavier, Benoît Poelvoorde, Vincent Tavier, André Bonzelle, André Dussollier, Patrick Bruel, Gérard Jugnot et Karin Viard. Ce sont de beaux noms, mais je tiens à dire qu'on ne paie personne ! Tout se fait avec le cœur, et notre marque de fabrique reste l'accessibilité. En donnant, bien sûr, une vitrine aux films. La Belgique et la France sont bien représentées, mais on a des œuvres venant du Canada, des États-Unis, du Japon, du Sénégal, d'Autriche, d'Allemagne ou d'Italie. Et pour la première fois, on aura une équipe présente à chacun des films, ce qui crée un engouement. Dans les films belges, on projette Les Gentils (avec Renaud Rutten,) L'Employée du Mois (avec Alex Vizorek), et Les Grands Seigneurs (avec Rutten et Damien Gillard). En plus de séances spéciales de C'est arrivé près de chez vous et de Sprötch, le dernier Magritte du court-métrage.

 

C. : La meilleure "publicité" d'un festival comme le vôtre, ne serait-ce pas ...l'actualité du moment ?

A.F.: Après la Covid et maintenant, la montée des prix de l'alimentation et de l'énergie, oui!  Le besoin de rire est plus grand que jamais. Pour reprendre Charlie Chaplin, je dis souvent qu'"Une journée sans rire est une journée de perdue". On reste très accessibles au niveau du prix des places. Car je me répète, on est d'abord là pour faire plaisir à notre meilleur partenaire : le public. Sans lui, il n'y aurait plus de cinéma ! Nous, on veut juste mettre un peu d'étoiles dans les yeux des gens, pour qu'ils passent un bon moment devant un grand écran. On a un chapiteau et un bar, ils viennent aussi pour ça. Puis, on a la chance d'être dans une des villes les plus festives du pays, si pas la plus festive. Comme dit Benoît Poelvoorde : "À Liège, tu commandes une bière à une terrasse, et c'est le voisin qui t'en offre une !" Beaucoup de Français et de Parisiens nous le disent : il y a ici une chaleur humaine qui donne envie de sortir. Mais ça, ce n'est pas le festival qui le veut, c'est la Belgique. Et ça ne s'explique pas !

 

C. : L'an dernier, vous rappeliez que 35% des plus grandes réussites au box-office francophone de ces dix dernières années étaient des comédies...
A.F. :
Oui, c'est l'Observatoire Européen de l'Audiovisuel qui l'a dit. Je ne comprends pas pourquoi le genre est souvent décrié, alors que le public en réclame. On aimerait d'ailleurs bien recevoir plus de comédies belges dans le festival. Et même en voir plus se faire en Belgique, au-delà des courts-métrages. On a tous les talents qu'il faut pour ça ! Pour moi, l'humour est essentiel dans ma vie. Je suis entouré de gens qui rigolent !

 

C. : Le festival existe aussi pour susciter cette réflexion dans le secteur, non ?

A.F. : Je l'espère. On a un axe professionnel, avec des rencontres. L'an passé, Philippe Reynaert a modéré un débat sur le financement des comédies, et il en anime cette fois une autre sur le scénario. On a des partenariats avec d'autres festivals, comme celui de Comédie de Lille, avec une initiative qui implique une vingtaine de productions européennes. On a un soutien du WBI (Wallonie-Bruxelles International) pour l'accueil de journalistes étrangers, etc... On s'installe, on grandit, en tenant à montrer aux professionnels que des choses se passent aussi pour eux à Liège. J'invite tout le monde à aller sur notre site*.

 

C . : Le succès de ce festival, avouons-le, on le doit beaucoup à votre personnalité hyperactive et votre force de conviction...

A.F. : Je suis incapable de répondre. Avec le temps, je m'apaise, mais c'est vrai que j'y vais beaucoup au culot, que je ne me formalise pas quand quelque chose n'aboutit pas. Je me lève chaque matin en me demandant ce que je vais vivre, avec de bonnes ou de moins bonnes choses. L'important, c'est de se remettre en question et de rebondir. De se donner les moyens de vivre ses rêves, de se dire que rien n'est impossible. Là par exemple, j'ai des contacts avec Jackie Chan, Willem Dafoe et Johnny Depp. C'est la passion qui me guide, mais je ne suis pas seul dans l'aventure. Et bien s'entourer est capital.

 

C. : Et qui sont ces autres personnes ?

A.F.: On est quatre, via notre ASBL Cinélabel, avec Samuel Danas (Directeur opérationnel), Julien Delaunois (Chef de projets) et Nicolas Vandenkerckhoven (Directeur financier), en plus d'une quinzaine de bénévoles. On se réunit chaque mois de l'année, et on a récemment fait un audit interne pour mieux structurer notre organigramme. Car on veut faire les choses bien, pour que les gens repartent de Liège en se disant qu'ils ont vu de bons films, du beau monde, bien mangé, bien bu et fait la fête. Et qu'on parle de leurs films ! Les gens ne se rendent pas toujours compte qu'un festival se prépare un an, avec beaucoup de dossiers à remplir, d'invités à rencontrer, des politiques (et de tous les partis, car le rire appartient à tout le monde), des partenaires, de chercher les films... Le côté surréaliste, c'est que quand a lieu le festival, on court dans tous les sens et on ne profite de pas grand-chose !

 

C. : Difficile de ne pas évoquer ces fameuses dalles en pierre bleues portant le nom d'acteurs venus au festival, placées Rue Pont D'Avroy. Façon Hollywood Walk Of Fame...

A.F. : Comme la bière "La Comédie" qu'on a créé, c'est un de nos petits trucs en plus. Des gens parfois très connus commencent même à réclamer leur dalle ! C'est devenu un lieu touristique, ça apporte une petite ambiance en plus. Et on ne fait pas ça juste pour le bling-bling : on voit que ça fait plaisir aux gens ! Toute l'année, elles sont photographiées par les passants.

 

C. : Vous concernant, c'est donc grâce à un film belge que votre parcours dans ce milieu a débuté...

A.F.: Oui. J'étais dans une école de foot à Waremme, et un jour, on m'a demandé – en pleine rue - de participer au casting du rôle principal de La Regate, de Bernard Bellefroid. J'ai cru à une blague, mais je l'ai fait. C'est finalement Joffrey Verbruggen – qui est devenu un pote - qui a été pris, mais j'ai figuré dans ce film pendant quinze jours, ce qui m'a permis d'enchaîner des publicités et d'autres projets pour observer les tournages. Puis, j'ai réalisé des courts-métrages en mode autodidacte, dont un avec Michel Galabru. Bon, quand j'étais jeune, j'avais déjà des affiches de Poelvoorde dans ma chambre. Il faudra d'ailleurs que je dise à Benoît que si on a créé ce festival, c'est en partie grâce à lui !

 

C. : Dernière chose : vous préparez un premier long-métrage. Où en est-il ?

A.F. : Le festival a pris beaucoup de place dans ma vie, j'ai eu moins eu le temps ces dernières années. Mais en effet, j'ai commencé la préparation d'un film il y a sept ans, qui sera produit par White Boat Pictures (Delphine Duez et Valentine Leblanc) et qui s'appelle Derrière la porte. Gérard Depardieu, Gérard Jugnot, Renaud Rutten et Valérie Bonneton ont déjà donné leur accord de principe, après avoir lu le scénario. L'histoire est ancrée en moi. C'est celle d'un enfant abandonné à la naissance et placé. Ses parents biologiques resurgissent quand il a six ans, avec une affaire judiciaire qui s'ensuit, etc...

 

C. : Et ce ne sera donc pas du tout une comédie! C'est presqu'un comble, non ?

A.F. : (Sourire). J'ai bien sûr voulu en faire une, mais l'idée ne venait pas. Pour un premier long, je me suis dit qu'il fallait un sujet qui vienne de mes tripes. Je referai des comédies plus tard ou en court-métrage, peut-être avant ce long. Quand on écrit un long-métrage, il faut bien maîtriser son sujet. Et celui-là, je le connais. Je me réjouis déjà d'avoir les réactions du public. Je trouverai le temps de le réaliser, mais je ne suis pas prêt de quitter le festival. Je voudrais arriver à cinquante éditions ! Car croyez-moi, on a encore beaucoup à faire, et on a des projets plein la tête... 

*https://www.fifcl.be/

 

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