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Saule Marceau de Juliette Achard

Publié le 23/03/2018 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Présenté en compétition nationale du 10e Festival Millenium, ce premier film singulier est le résultat d'un projet inabouti. Alors que leurs routes se sont séparées depuis longtemps, la réalisatrice propose à son frère Clément, devenu éleveur dans le Limousin, de faire un film ensemble. Il aurait les allures des westerns de leur enfance, tant vus et tant aimés. Mais la rencontre désirée ou idéalisée n'aura pas tout à fait lieu : le film restera inachevé. Cet inachèvement est le centre sur lequel le montage se construit, offrant un récit brisé, mystérieux, troué et pourtant étonnant et poétique.

 

Saule Marceau

 

Loin des standards du documentaire léché, Juliette Achard impose une esthétique brute, rugueuse, quasi-primitive où les coupures sonores et les images « brûlées » s'enchaînent ainsi que les irruptions du tournage dans le champ du film lui-même, comme une mise à nu de sa réalisation. Les extraits majoritairement sonores et musicaux de westerns de John Ford ou d'Anthony Mann, agissent comme une mise à distance tout en faisant écho à ce frère insaisissable. Insurgé, Clément a fui les villes pour cette « terre d'herbes, d'arbres et d'eaux » et pour un rêve d'agriculture sans machine. Son portrait est aussi celui d'un métier soumis au régime capitaliste le plus dur et le plus absurde. La voix-off, présente tout le long, évoque également l'histoire de la région, cette « France du vide » où la richesse des industries a fait place à un chômage élevé et une économie moribonde. Ce fut également une terre de migrants; des migrations ouvrières liées à la révolution industrielle aux normands s'y installant en masse après la Seconde Guerre mondiale, à ceux qui aujourd'hui espèrent y décrocher un job de saisonnier. Nappé de ses multiples couches, ce film vibre d'une humilité rare, à l'image du plan final, tout simplement bouleversant.

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