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Sem-Terra de Jean Timmerman

Publié le 01/10/1997 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Dans le témoignage documentaire, Jean Timmerman franchit une étape supplémentaire en plantant, sa caméra directement au cœur de l’action. Celle-ci se situe en pleine Amazonie, au nord ouest du Brésil, près de la frontière bolivienne, dans l’état de Rondonia. La lutte partagée est celle des paysans sans terre et le constat est celui d’un échec programmé : celui de la réforme agraire.

Sem-Terra de Jean Timmerman

Des gens sont là, lâchés en pleine Amazonie sans moyens de subsistance, dans l’attente de se voir allouer les terres qui leur ont été promises dans le cadre de la réforme agraire. Mais elles n’arrivent pas, monopolisées qu’elles sont par les fazendeiros, propriétaires de gigantesques latifundia. Alors, c’est l’occupation des terres non-cultivées et le massacre de centaines de personnes par les tueurs à gages des propriétaires terriens.

Partant du principe que le cinéma vérité est une illusion, qu’un film est toujours le reflet du point de vue de son auteur, il en assume crânement les conséquences et choisit son camp, se plaçant carrément aux côtés des Sem-Terra. On apprécie ce courage et cette honnêteté devenue presque incongrue à l’heure actuelle.

Explications et témoignages sont donc étroitement imbriqués, ce qui nuit à la compréhension du spectateur européen, peu familiarisé avec les subtilités des problématiques brésiliennes. Mais l’on cesse un peu d’être spectateur pour participer à la lutte de ces déshérités. Le film tourne notamment autour d’une très longue occupation des bâtiments locaux de l’INCA (Le Ministère de la réforme agraire). 

Dans un style très Free Cinéma, la caméra est au milieu des insurgés. On partage leur enthousiasme, leurs espoirs, leurs craintes. On assiste aux prises de décision, aux négociations avec les autorités. L’incertitude plane quant à l’issue du coup de force. Et qu’importe si la ligne narrative n’est pas des plus claires, si on ne sait pas toujours très bien de quoi il retourne, l’émotion, les sentiments passent. Celui d’une injustice épouvantable, celui d’une situation proche du désespoir et pourtant porteuse d’un formidable enthousiasme. Un style rugueux, aux antipodes du ton impersonnel et détaché qu’on attend des soi-disant informateurs d’aujourd’hui.

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