The Chromakey Man s’intéresse à un métier méconnu du cinéma contemporain, à savoir celui d’homme ou de femme vert.e, grâce à qui les effets visuels des blockbusters sont opérés. Un homme vert, au milieu d’un fond vert, sur lequel on incruste l’objet ou le décor de son choix. Au fil des jours de tournage, alternant les rôles de pierre et de vaisseau spatial, Dan fait face à un vide immense et se met à interroger ses ambitions profondes. Las de disparaître derrière des objets et de servir des prouesses technologiques propres à l’illusion, Dan rêve de devenir acteur et de jouer des superhéros.
The Chromakey Man de William Samaha
Publié le 30/05/2023 par Basile Pernet / Catégorie: Critique
Par un judicieux procédé de mise en abîme partagé entre comédie et drame, William Samaha parvient à rendre universelle l’histoire très singulière de Dan, emprisonné entre les murs d’un studio. Sur le plateau, ce dernier n’est pas au second plan, il est le second plan. Très vite se dessine la convoitise des “petites mains” du cinéma à l’égard des stars qui font l’affiche. En outre, Dan est un homme lucide qui sait percevoir une certaine vanité dans le fait de tirer des câbles et d’être un objet de décor. Il est aussi idéaliste, bercé par des rêves où il incarne le héros de l’histoire, mais pessimiste par son manque de confiance en lui. Son ami Sara, habilleuse sur le tournage, parvient à le faire auditionner pour l’un des rôles principaux du film. Elle semble être la seule à le comprendre et à le soutenir. Toutefois, elle ne prend pas parti à ses lamentations, mais l’exhorte plutôt à se reprendre en main. Car oui, Dan a une certaine propension au larmoiement.
Par son regard sarcastique sur sa propre histoire, William Samaha invite à réfléchir sur une multitude de sujets, à commencer par la place de l’individu dans la fabrication de superproductions par l’industrie hollywoodienne. Que reste-t-il de réel et d’humain lorsque les artifices propres à l’illusion prédominent sur un tournage ? Il interroge ainsi le rapport de l’homme à la technologie, et une certaine dépossession de soi qui en résulte, ou perte d’identité. Dan ne sait plus vraiment qui il est, entre son costume vert par lequel il disparaît et ses rêves d’accomplissement personnel (voire de vengeance) en tant qu’acteur.
Un court-métrage malicieusement écrit et finement interprété, une délivrance magistrale, pleine d’humour et de gravité, pour un propos soigneusement équivoque.
