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The Uprising de Peter Snowdon

Publié le 12/02/2015 par Sylvain Gressier / Catégorie: Critique

L'information mondialisée, étouffante de par sa surabondance de drames et d'affects, n'autorise plus aujourd'hui au citoyen réceptacle, qu'une attention instantanée et éphémère. Chaque jour, les derniers attentats suicides prennent instantanément l’ascendant émotionnel et spectaculaire sur le génocide dénoncé la veille. Toute l'horreur du monde jetée à la face du téléspectateur entre la poire et le fromage, devient abjection tant banale qu'irréelle. Le flux tendu et constant des images d'information devient alors une constante dans le quotidien de chacun, amenant au mieux une empathie globale et impuissante, au pire un désengagement émotionnel total. Il arrive cependant que la transmission des images et des informations s'émancipe des canaux traditionnels, complexifiant soudainement notre rapport au monde et ramenant nos nerfs à vif.  

The Uprising de Peter Snowdon

 

The Uprising est le récit d'une révolution fictive, Peter Snowdon construisant sa narration à partir d'images d'archives récupérées sur internet. Films amateurs issus des évènements dits du printemps arabe, ces vidéos sont prises par la population elle même à l'aide la plupart du temps de téléphones portables. Leur usage exponentiel, à l'instar de celui des réseaux sociaux, participe pleinement au visage des nouvelles révoltes où l'information s'échange quasi-instantanément des zones de conflits au reste du monde.

Plutôt que de retracer les évènements d'un ou plusieurs de ces conflits dans une démarche documentaire "classique", le réalisateur récupère et amalgame les images et nous transporte sans ambages des rues de Tunis à celles de Sanaa, de la place Tarhir au palais de Khadafi. Floutant ainsi les unités d'espace et de temps, il crée un film avatar, symbole de la révolte dans son essence.

 

The Uprising de Peter Snowdon

 

The Uprising frappe par la force de son dispositif, qui dépasse ici les formes fictionnelle ou documentaire courantes. Le processus de récupération d'images tierces, tournées dans le but primordial de rendre compte d'une situation et épurées de toute considération artistique plongeant le spectateur dans une réalité dénuée d'artifices où à l'instar de la vie qu'elles racontent, rares sont les instants de répit. La proposition cinématographique devient alors l’apanage du seul travail de montage. La subtilité de celui ci tient dans sa discrétion, les images disparates s’harmonisant au gré d'un travail sonore qui abolit les fractures spatio-temporelles. En surplomb, l'aspect fictionnel, quoique très écrit, ne tient plus alors qu'à la seule temporalisation symbolique de la révolte. Au travers des sept jours de la semaine chapitrant le film, le décompte des jours induit une poétique du courage et du désespoir.

Certains pourront reprocher au réalisateur de manichéaniser son propos en faisant faisant feu de tout bois, proposant ainsi une image symbolique et militante d'une révolte qui tait les complexités et singularités propre à chacun de ces soulèvements. Contemporain d'un monde où les médias traditionnels en manque de légitimité perdent du terrain face aux nouvelles formes d'actualités informelles où se côtoient le meilleur et le pire, Peter Snowdon fait le choix d'une proposition artistique forte quoique sujette à toutes les critiques si tant est que l'on cherche encore la vérité assis devant un écran.

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