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Un monde à 3 zéros de Áine Clarke et Michel Van der Veken

Publié le 20/11/2023 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

D'un passé de cinéastes commerciaux forts de 25 ans d'expérience à un premier long métrage documentaire prônant un changement radical du modèle économique mondial, le parcours d’Áine Clarke et de Michel Van der Veken est plutôt atypique. Mais derrière cette reconversion surprenante se cache un film inspirant, servi à la fois par une technique précise et par une envie irrépressible de mettre en avant celles et ceux qui incarnent le changement aujourd'hui.

Un monde à 3 zéros de Áine Clarke et Michel Van der Veken

C'est en 2016 que le couple fait la connaissance du prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, économiste bangladais honoré pour ses travaux sur le modèle de l'entrepreneuriat social et auteur de l'ouvrage Un monde à trois zéros, à qui le film doit son titre. Une rencontre qui leur inspire ce documentaire, lui-même rencontre de dizaines d'entrepreneurs et d'entrepreneuses à travers le monde, toutes et tous mettant en pratique les modèles théorisés par le “banquier des pauvres”, comme on surnomme parfois Yunus.

Pour autant, Un monde à trois zéros est bien plus qu'une galerie de portraits ou un album de famille. Des confins de l'Amazonie à la Côte belge, en passant par Abidjan, Bangkok, Paris et bien d'autres lieux, les cinéastes nous emmènent à la découverte de personnes qui mettent en place de nouvelles solutions pour demain, à des lieues de la recherche invétérée du profit. Communauté, entraide, empouvoirement sont les maîtres mots de ces femmes et de ces hommes qui démontrent au quotidien qu'un autre monde est possible. De la culture de cacao responsable et gérée localement à la formation d'infirmières spécialisées, jusqu'aux  futurs restaurateurs et hôtelières de demain. Chacun à leur manière, ces entrepreneurs et porteuses de projet font bouger les lignes du monde qui nous entoure. Et il en va de même pour les cinéastes. Si le documentaire est porté par le couple, c'est à Áine que l'on doit son écriture, elle qui nous emmène et nous accompagne dans ce voyage dont on ressort grandi au moins autant qu'elle. Et il ne fait pas de doutes que la parité des intervenant.es représenté.es ici doit beaucoup à ses propres convictions. À nous de nous réjouir pour ces petites filles à qui l'on propose désormais de s'initier aux arts martiaux, pour ces femmes qui prennent leur éducation et leurs idées en main, et pour celles qui refusent de se laisser enfermer par des plafonds de verre pour transformer leurs rêves et leurs projets en réalité.

Un monde à trois zéros ne fait pas de compromis dans sa construction. Systématique, sincère et complet dans sa démarche, le documentaire présente près d'une cinquantaine de projets, aussi différents les uns des autres qu'ils sont inspirants. Mais malgré cette foison, dans chaque cas, c'est avec beaucoup de bienveillance et d'écoute que ces rencontres s'effectuent, nous permettant d'aller au-delà des façades et de découvrir des personnalités à la fois humaines et hors norme. Des êtres humains dans toute leur complexité, avec leurs cicatrices et leurs passés uniques, mais tous habités d'une énergie commune.

Le genre de film dont on ressort avec une envie et un besoin irrépressible de changer le monde, à notre échelle puis au-delà. L'esprit porté par ces initiatives qui ont débuté par l'individuel pour rejoindre le bien commun, au même titre que ce documentaire inspirant.

 

Un monde à trois zéros est à découvrir en avant-première au festival Politik de Liège.

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