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Zamara d’Arthur Michel

Publié le 19/05/2021 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

Zamara, verbe ancien évoquant aussi bien le chant que le souffle

Dheisheh est un camp de réfugiés palestiniens situé au sud de Bethléem en Cisjordanie. Au départ, ce site aurait dû être temporaire. Créé en 1949 pour 3400 Palestiniens, il en compte aujourd’hui plus de 13000. Peu de perspectives pour les jeunes qui y vivent, les possibilités d’emploi étant fortement limitées. Un peuple sous le joug israélien, un peuple qui survit, un peuple arabe qui voudrait se faire entendre, en vain. Le jeune réalisateur, diplômé de l’INSAS, Arthur Michel est allé dans ce camp, a rencontré un groupe de jeunes qui vont rechercher un ami sorti de prison. Ce lieu fait partie du quotidien de ces hommes qui y ont souvent déjà fait un arrêt. La cellule est inconfortable, suintante, humide. Quand tu ne sais pas, tu n’es pas prêt. Des lions en cage qui, même derrière les barreaux, sont de solides résistants.

Zamara d’Arthur Michel

Le film s’ouvre sur une ligne d’horizon crépusculaire traversée par un géant animé, une sentinelle qui fait les cents pas tandis que des chants arabes vibrent, puissants, et se répondent. Une complainte nocturne pour ces hommes et ces femmes enfermés dans cette prison à ciel ouvert. Comment toucher la liberté en étant constamment sous surveillance ? Comment être libres sans devoir passer par un checkpoint à moins de 10 kilomètres de là ? Ils créent, ils peignent, ils chantent, ils écrivent des chansons. L’art les unit dans l’adversité grâce à la liberté qu’il confère à celui qui crée. Que ce soit dans un atelier, sur un toit surplombant le camp, les jeunes peignent et chantent. Le sourire aux lèvres, ils sont libres. Mais, la menace de la sentinelle rôde, en arrière-plan. Comment se définir dans un lieu qui n’est pas le sien, sans son identité propre, sans son nom, sa religion, son âme ? Zamara aborde ces questions de liberté, d’identité, de bonheur.

Le film mêle paysages, interviews, portraits, séquences animées et captations de marionnettes en mouvement. Une diversité de formes, unies par ces mélodies, qui permet de comprendre leurs difficultés quotidiennes mais aussi leurs petites joies, notamment cette scène de liesse lors de la sortie de prison de leur ami. Ils s’enlacent et s’embrassent jusqu’à la nuit tombée, célébrant cette petite victoire. Mais, très vite, la sentinelle menaçante refait les cents pas, les souvenirs des morts ressurgissent, ces compagnons de route qui ont subitement disparu.

Se serrer les coudes, être ensemble face à l’ennemi : leur dernier rempart. C’est en fredonnant Bella Ciao, fameux chant de révolte italien qui célèbre l’engagement des partisans, qu’ils terminent leur journée, encore une de plus, à lutter contre cet ennemi omnipotent.

Zamara, c’est un souffle de vie, un chant d’espoir dans ces réalités reculées, cachées, oubliées. Or, ces hommes et ces femmes sont toujours là, privés de liberté, injustement. L’actualité de ces dernières semaines concernant le conflit israélo-palestinien secoue les esprits mais là-bas, la trêve n’existe pas. Zamara, c’est un documentaire tout en retenue, bercé par les voix et la poésie de ces êtres qui résistent.

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