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Thierry Knauff

Thierry Knauff

Métier : Réalisateur, Producteur

Ville : 7181 Feluy

Province : Hainaut

Pays : Belgique

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Galerie photos

Filmographie

Vita brevis

Vita brevis

Réalisateur(-trice)
documentaire
2015
 
Solo + à Mains Nues

Solo + à Mains Nues

Réalisateur(-trice)
fiction
2004
 
Wild Blue, notes à quelques voix

Wild Blue, notes à quelques voix

Réalisateur(-trice)
documentaire
2000
 
Baka

Baka

Réalisateur(-trice)
documentaire
1995
 
Gbanga-Tita

Gbanga-Tita

Réalisateur(-trice)
documentaire
1994
 
Ligeti

Ligeti

Producteur(-trice)
documentaire
1993
 
Anton Webern

Anton Webern

Réalisateur(-trice)
documentaire
1991
 
Seuls

Seuls

Réalisateur(-trice)
documentaire
1989
 
Abattoirs

Abattoirs

Réalisateur(-trice)
documentaire
1987
 
Le Sphinx

Le Sphinx

Réalisateur(-trice)
documentaire
1986
 

1983 : Fin octobre début novembre, 12'

Organismes liés à cette personne

Le déclic...

Thierry Knauff

Là, j'ai vu Jason
Ma soeur avait un amoureux. Elle avait seize ans, j'en avais sept.
C'était à Bruxelles le temps des cinés de quartier : le Brazil, le Central, le Métro, le Century et surtout le Wolu. Chaque mercredi après-midi, y commençait à trois heures une “séance enfantine” qui durait jusqu'en début de soirée.
A chaque séance, un ou deux longs métrages, des “actualités”, des dessins animés, pas de “réclames” mais les “lancements” de la semaine suivante et, de temps à autre, une attraction sur scène.

Là, de semaine en semaine,
j‘ai vu Jason combattre l’armée de squelettes,
j’ai vu Poséidon écarter les roches du défilé magique,
j‘ai vu les Argonautes aveugler le Cyclope.

Là, j‘ai vu Jason vaincre l’Hydre à Sept Têtes
et je suis tombé amoureux de la Fée Clochette.

J’ai vu Laurel et Hardy retaper leur bateau,
Maciste, Simbad et Sandokan réunis dans un même film “réparé” par le projectionniste,
la Reine, son collier et d’Artagnan,
des archers prodiges, des temples s’écrouler et un chapiteau de cirque en flammes,
des pluies de flèches et des pluies de fleurs,
les voiles des galions, le tremblement des fanions,
les tunnels d’évasion et les passages secrets,
les avions à hélices et les parachutes dans la nuit,
les hautes herbes, les tigres, les éléphants et encore Sandokan,
Speedy Gonzalez, la Cucaracca,
Elmer, le Beep Beep, Tom, Jerry, Bugs Bunny, le monstre de Tasmanie (dit “le Mangetout”),
Jerry Lewis, Ali Fernandel Baba, Joselito,
et Doris Day qui ressemblait à la mère de mon copain.

La convention avec ma soeur était simple : j’allais sans elle au cinéma, elle retrouvait son amour et, en échange de mon silence complice, les trente francs de sa place permettaient de pourvoir aux indispensables compléments du ticket : les bonbons (trois pour un franc) et surtout, les pétards sans mèches (les “boules japonaises”, propulsées à coups de catapulte). Car, lors de ces séances, le spectacle était aussi, bruyamment, dans la salle.

Là, les squelettes se relevaient. Là, cavalerie, Romains, gladiateurs, lions et ptérodactyles escaladaient les rangées de sièges, plongeaient sous le faisceau mortel de la lampe de l’ouvreuse, bondissaient, s’étripaient et s’écroulaient au pied de l’écran en riant.

Alors, souvent, le film s’arrêtait. La lumière était ramenée dans la salle soudain soumise à la menace de l’homme à moustache - l’homme qui déchirait les tickets à l’entrée. Planté sur le flanc droit, il restait immobile. Ne disait rien. Imposait le silence par son silence. Regardait le public, puis sa montre. Longtemps parfois. Jusqu’au calme imposé. Puis l’homme se retirait lentement de la salle pétrifiée et le film continuait. Jusqu’aux applaudissements, jusqu’au mot “fin”, jusqu’au rideau.

A ma soeur retrouvée à la sortie, je devais le récit du film si d'aventure une question était posée à la maison.

De ce commerce fraternel renouvelé chaque semaine, je dois mes mille premières rencontres avec les corsaires, les indiens, les chevaliers, les mages et les princesses.

J'ignore le nom de l'amoureux de ma soeur - Pardon, Françoise, si je trahis un secret que tu avais peut-être oublié - Mais à tous deux, je vous dois beaucoup. Je vous dois sans doute l’amour des images plus grandes que soi, je vous dois ces premières musiques d’ombres et de lumières, de lumières en mouvement .

Quant aux petits mensonges hebdomadaires qui nous ont valu, à chacun, tant de découvertes, tant de délices et d'émois, Maman et Papa comprendront. Trente ans après, il y a prescription.

Thierry Knauff