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Alma viva de Cristèle Alves Meira

Publié le 26/04/2023 par Gauthier Godfirnon / Catégorie: Critique

Sélectionné à la Semaine de la Critique de Cannes en 2022, Alma Viva de Cristèle Alves Meira étonne par son audace en matière de thèmes abordés. Cerise sur le gâteau : ce mélange de genres aboutit tantôt à des rires francs, tantôt à des larmes furtives etde sinistres frissons.

Alma viva de Cristèle Alves Meira

Le film commence par la mort subite de la grand-mère adorée de Salomé. Alors que les adultes se déchirent au sujet des obsèques et d’intérêts pécuniaires, la petite fille est hantée par l’esprit de celle que l'on considérait comme une sorcière. Les images bucoliques et d’autres plus lugubres rendent la griffe de la cinéaste unique en son genre. Le jour, les paysages montagneux et le village animé créent une ambiance chaleureuse et décontractée pour le.a spectateur.ice, mais la nuit, une atmosphère morbide, dantesque et délétère règne. Salomé traverse la pénombre, inconsciente, ensorcelée. Est-elle une somnambule lucide ou une redoutable sorcière ?

Le film surprend par son originalité et la confusion qui l’entoure. Le.a spectateur.ice ne sait jamais si le film est simplement un thriller ou un long-métrage au caractère surnaturel, comme si la réalité et la magie trouvaient ensemble une vraie cohérence.

À partir du 14e siècle, l’Église commandite d’innombrables meurtres, sous couvert de chasse à l’hérésie, et des villages entiers voient leur population féminine dégringoler. Ces féminicides à grande échelle ont particulièrement visé certaines catégories sociales : les femmes indépendantes, vivant en marge de la société, les lesbiennes, mais aussi les femmes aux connaissances alternatives. Comme les supposées ou les vraies sorcières pourchassées à l’époque, les femmes du film – la grand-mère de Salomé, l’autre vieille dame qui l’a empoisonnée et les tantes de la petite – subissent toutes un isolement, un décalage par rapport au reste du village. Qu’il s’agisse de leur rustrerie, de leur manque d’éducation, de leur célibat, de leur liberté sexuelle, tous les prétextes semblent bons pour les marginaliser et faire d’elles des personæ non gratæ. Même si les héroïnes entretiennent parfois des relations fusionnelles, elles vivent des conflits très violents. Les protagonistes font souvent preuve d’une mesquinerie sans borne, vocifèrent des insultes ordurières, et méprisent de fait une sexualité trop débridée, une indépendance « reconquise ».

Si le film peut paraître contemplatif et dénué d’une intrigue qui tient en haleine, les violences de genre, qu'elles soient entre femmes ou d’hommes envers des femmes, martèlent leur leitmotiv ; il y a encore du pain sur la planche et le parcours est toujours semé d’embûches. Quand existera-t-il une réelle solidarité féminine, mais surtout humaine ? Quand les relations interpersonnelles se caractériseront-elles par la même tendresse, la même loyauté, que celle de Salomé et sa grand-mère ?

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