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Au bonheur des dames ? : La vie à bras le corps d'Agnès Lejeune et Gaëlle Hardy

Publié le 15/10/2018 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

- CENDRILLON !!! Patati et patata, toute la journée, ça n'arrête pas. Faut faire le feu et la cuisine, la vaisselle, le ménage, le repassage, le lavage. C'est vraiment de l'esclavage ! Elle doit tout le temps travailler, sans jamais, jamais, s'arrêter...

- CENDRILLON !!! Une routine qui s'apparente fortement à celle de ces dames mises en scène par Agnès Lejeune et Gaëlle Hardy dans leur documentaire Au bonheur des dames ? : La vie à bras le corps. Les deux réalisatrices ont suivi le quotidien de "femmes de ménage", terme encore trop souvent employé, qui sont aujourd'hui plus de 165 000 employées dans le secteur des "Titres-Services".

Alors que Zola, dans son roman éponyme, raconte le destin de Denise Badou qui subit la précarité de l'emploi lors de son expérience dans un grand magasin de prêt-à-porter féminin peuplé de vendeuses qui prennent un malin plaisir à se tirer dans les pattes, Agnès Lejeune et Gaëlle Hardy racontent le destin de ces femmes qui, tous les matins, s'en vont frotter le logis des autres.
Béatrice, Christel, Francine, Rosalie, Marie-Virginie, Laurence, Nermina, Sabine ont de 20 à 65 ans, des parcours de vie souvent chaotiques, des douleurs dans le dos, des antidouleurs dans l'estomac. Pour certaines, un choix. Pour beaucoup d'autres, une nécessité. Rares sont celles qui en font une vocation, la plupart, souvent des mères courages, ont été contraintes de choisir cette voie. Pour certaines, la tâche est devenue agréable, se convertissant en amies à l'oreille attentive de ceux, trop vieux, qui ne peuvent plus se baisser. Pour d'autres, c'est plus complexe. Pas payées, humiliées, rabrouées, certaines aides ménagères ne savent plus à qui se confier et jouissent désormais du système des Titres-Services qui leur offre enfin un vrai statut professionnel.
Le documentaire retrace le destin de ces héroïnes des temps modernes qui font ce que les autres ne veulent pas faire. Des petites souris qui passent sans laisser de traces pour nettoyer celles des autres. Un film choral où une dizaine de voix se mêlent, une dizaine de personnalités bien distinctes. Certaines ne se laissent plus faire, d'autres ont rejoint les syndicats pour faire valoir leurs droits, d'autres, plus farouches, n'osent pas encore. À quel prix ?
Au bonheur des damesUn travail harassant, qui détruit les corps. À petit feu. Encore trop dévalorisée, encore trop réservée aux femmes, cette profession mérite pourtant toute notre attention. Agnès Lejeune et Gaëlle Hardy s'immiscent dans ce quotidien, filmant les gestes répétitifs de ces fées du logis, qui répètent inlassablement la même danse sans broncher.
Même si elles bénéficient aujourd'hui d'un statut, même si elles ont des droits, ces femmes, encore de l'ombre, ne peuvent pas clamer haut et fort qu'elles sont aides ménagères sous peine d'être confrontées à des réactions condescendantes. Ce film fait d'elles des travailleuses hors pair, des voix à entendre, des femmes à défendre.

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