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Avec ma mère à la mer d'Alexis van Stratum

Publié le 05/06/2009 par Dimitra Bouras et Antoine Lanckmans / Catégorie: Tournage

Nous avions découvert les Cinéastes associésl'an dernier, sur le tournage du premier long métrage de Nicole Palo et leur première production.Get Born initia le catalogue de cette maison de production créée pour soutenir des projets à petits budgets, où chaque poste du plateau est maigrement, mais néanmoins rémunéré. C'est une structure légère qui permet d'engager de jeunes techniciens, qui, pour la plupart, ont déjà fait leurs preuves, au service de jeunes réalisateurs avides de tournages. Un an plus tard, nous sommes invités sur la côte belge, plus exactement à Knokke, sur le premier long d'Alexis van Stratum. Alexis a commencé sa carrière dans le cinéma par le jeu. Sorti du Conservatoire d'Anvers et désireux de tout maîtriser, il décide de continuer sa formation dans la deuxième langue nationale, non pour parfaire ses qualités de représentation, mais pour ajouter
 la réalisation à son arc. Cette bête de scène qui a accumulé les formations de théâtre, de danse et de chant, clôture son apprentissage à l'INSAS, en section réalisation. Après trois courts métrages hors cursus, dont le très remarqué Classes Vertes, nous retrouvons Alexis van Stratum derrière la caméra, régissant imperturbablement le plateau avec sourire et fermeté, inspirant crainte et admiration.



Alexis van Stratum :À la mer avec ma mère, c’est l’histoire d’un homme qui emmène sa mère à la mer suite à une tentative de suicide de celle-ci. Il se sent coupable de cette situation et la prend en charge. Celle-ci, au fur et à mesure qu'elle se rétablit, reprend le dessus et devient la metteuse en scène de la vie de son fils. En gros, le film parle de la dette imaginaire qu’on a vis-à-vis de ses parents. Et aussi un des thèmes qui m’est très cher, celui de la distance entre soi et l'autre, c'est-à-dire ce qu'on peut exiger de l'autre et ce que les autres peuvent exiger de nous. À quel moment bascule t-on de l'écoute, de la générosité, au sacrifice de sa vie pour les autres ? Clément, le personnage principal, est sans cesse tiraillé entre les désirs des autres et les siens. Tout au long du film, il va évoluer et parvenir à grandir, à couper le cordon !

C. : Il semblerait qu'il n'y ait pas que la mère qui le tiraille, mais également son amie.
A.v.S. :
Tout à fait. Clément a une compagne qui ressemble à sa mère, qui le culpabilise et lui en veut de s'occuper de sa mère plutôt que de leur couple. Pour échapper à toutes ces emprises, il rencontre une fille, jouée par Maaike Neuville, une comédienne flamande, dont il va tomber éperdument amoureux. Cela va lui permettre d’entrer en contact avec ses désirs à lui.

C. : Comment as-tu choisi tes comédiens ?
A.v.S. : Pour Nicole Colchat, la dame qui joue le rôle de la mère, j’avais déjà tourné un court métrage avec elle. Cachou Kirsch, la copine de Clément, je la connais bien. Elle a joué dans Hystéries, une de mes pièces qui a tourné pendant quelques années.
Pour le personnage principal, on a fait un gros casting. Nous avons passé en revue quasiment tous les comédiens en communauté française qui sont sur le marché en ce moment.
Finalement, le personnage principal choisi est tout le contraire de ce que j’avais imaginé, mais sa conviction et sa spontanéité ont fait l’unanimité. Le fait qu'il soit le contraire de ce que j'avais envisagé au départ apporte un plus au personnage. Il réagit parfois d'une manière assez inattendue : on ne s’attend pas à ce qu’un homme baraqué, viril, puisse fondre devant sa mère.
Ce qui est vraiment intéressant chez Hervé Guerrisi, c'est qu'il a une fragilité énorme bien qu'il donne l'impression d'être quelqu'un de solide, qui assure dans la vie, qui peut être impulsif et colérique. Il peut être très doux aussi. Il a un panel de jeux très large. C'est cette contradiction qui me touche et m'a convaincu que j'avais fait le choix le plus judicieux pour mon film.

C. : Le montage se fait en même temps que le tournage. As-tu déjà vu des séquences montées ?
A.v.S. :
J’ai vu des premières images hier soir, et j’en suis assez content.
C’est Susana Rossberg qui se charge du montage. Elle m’appelle 2 à 3 fois par semaine pour me donner des nouvelles. C'est excitant et rassurant d'avoir des retours régulièrement.

Susana va monter une première version seule. Cette idée de voir le film à travers ses yeux me plaît beaucoup, surtout que j'apprécie énormément son travail et sa façon de faire. Elle a fait le montage de Classes Vertes, mon court métrage précédent, et j'ai réellement confiance en elle !

C. : C’est ton premier long métrage et tu n’as pas beaucoup de temps pour le réaliser, c’est un vrai défi. Comment t’es-tu préparé ?
A.v.S. : On n’a rien laissé au hasard durant cette préparation. Même si la préparation était très très courte, on a passé, avec le chef opérateur, des heures et des heures sur les lieux de tournage à travailler le découpage et les différents axes. Entre temps, le décorateur a effectué un gros boulot pour aménager les lieux, pour avoir ce côté gloire perdue et cette beauté des vieux appartements. On a modifié les papiers peints, les rideaux, les meubles, etc.
Après ça, plusieurs lectures avec les comédiens ont été faites ainsi que des ateliers. Petit à petit, le film s’est cherché et s'est affiné tout au long de la préparation. En ce qui me concerne, je suis quelqu’un qui prépare énormément, et en définitive, le tournage n’est plus que l’exécution de ce qui s’est déjà dit auparavant.

C. : Tu as une formation de comédien, est-ce que cela t’aide pour la direction de tes acteurs ?
A.v.S. : Oui, tout à fait. Je pense que le fait d’avoir beaucoup joué moi-même, et plus particulièrement au théâtre, car je n’ai pas beaucoup joué au cinéma, me permet de comprendre la fragilité du comédien et ce dont il pourrait éventuellement avoir besoin pour jouer la scène. Les comédiens ne réagissent pas tous de la même façon. Certains d'entre eux ont besoin d'un espace de liberté, de créativité. Je leur donne le canevas et ils me proposent l’intérieur du canevas, que je réévalue par la suite.
Du fait que mes comédiens sont continuellement en recherche et qu’ils sont très humbles vis-à-vis de leur boulot, ça se passe très bien. On cherche ensemble, et si, à un moment donné, je ne sais pas, ils me font des propositions et on se relance mutuellement.
Ils me mettent à l’aise. Le fait d’avoir joué moi-même démystifie le rôle du comédien tout en étant très conscient des difficultés du métier.

C. : Tu es entouré d’une super équipe. Tu as pu la choisir?
A.v.S. :
En fait, la plupart des gens qui sont sur ce film, ont fait Classes Vertes avec moi. Ça a été des rencontres assez exceptionnelles, et j'ai eu la chance de pouvoir tourner le long métrage très peu de temps après, en restant dans la même atmosphère cinématographique. C'était une évidence de reprendre quasiment les mêmes personnes dans la mesure de leur disponibilité. C'est donc la même scripte, le même chef op’, le même décorateur. Quelque part, on a formé une famille, et je ne pense pas être trop idéaliste en disant cela. En tout cas, c'est comme ça que je le ressens. Toutes ces personnes sont dans une recherche permanente. Ce que j'ai appris sur Classes vertes, c'est l'apport créatif des techniciens. C’est la même chose que pour les comédiens; je suis là pour donner un canevas aux gens, mais chacun fait ses propositions, ce qui me permet d'avoir une équipe très créative. C'est très plaisant de travailler comme cela.

C. : Pourquoi avoir choisi la mer comme lieu de l'action ?
A.v.S. : C'est totalement inconscient. C'est lié à des souvenirs personnels, même si le film n'est pas du tout autobiographique. Petit, j'allais souvent à la mer avec ma mère. Et j'avais envie de ressusciter ces souvenirs, même si je n'avais pas encore d'idée de film. Je suis parti de l'envie de raconter une histoire qui se passait entre une mère et son fils à la mer. J'ai tourné Classes vertes entre temps et j'ai voulu faire la suite. Qu'est-ce qui se passe entre ce genre de mère, possessive et culpabilisante, et son fils, vingt ans après ?  

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