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Avenue Louise

Publié le 09/10/2018 par Lucien Halflants / Catégorie: Critique

 

Dans un logement de caravanes pend vulgairement un panneau de bois indiquant Avenue Louise. Mais la célèbre artère bruxelloise est ici faite de boue et de gravier.
Bernie, un insupportable chef d’entreprise, va y vivre un cauchemar éveillé. 

Avenue Louise

Thierry Dory, le réalisateur, investit un univers décalé, proche du conte (le film à la morale affirmée s’ouvre et se clôt sur la voix-off d’un des personnages secondaires. Littéralement le conteur de l’histoire). En découle alors, un film belge - dans une certaine quête d’absurdité, pour ce que ça peut signifier dans un certain imaginaire collectif -. Se frottant tour à tour avec des monuments tels que « After Hours » de Martin Scorsese ou « Delivrance » de John Boorman, ce film référentiel et cinéphile offre un véritable plaisir de comparaison. Et si cela n’est pas toujours flatteur tant ses modèles sont grands, le film fait preuve d’une véritable ambition dans son travail sur le rythme, une lumière cinégénique et des cadres parfois improbables mais souvent efficaces que même le grain numérique - pourtant difficilement justifiable - ne viendra abîmer.
À travers ce tempo effréné, Dory crée un calque permettant de discourir sur la cadence qu’il juge trop élevée de l'existence de Bernie. Son désir de croissance carnassière semble déplaire au réalisateur qui privilégierait une vie plus simple, moins libérale, au plus proche des êtres que l’on aime ou que l’on pourrait aimer dans l’Avenue Louise de notre choix, sous les lumières des vitrines citadines ou à la chaleur d’un feu de camp. Que valent l’argent et le luxe face à l’amour ? Le questionnement est évident et suranné mais chargé d’une simple vérité.
Ainsi, l'homme paye son ignominie, son manque de sensibilité, son égocentrisme exacerbé et ses idéaux libéraux douteux. Alors s’immisce l’absurde, au plus grand plaisir du spectateur. Et les ruptures entre les différents tons utilisés dans le film de le rendre plus mordant que simplement drôle. Ainsi, la forme très classique et fonctionnelle se distancie de l'enfer mérité que vit Bernie jusqu’à une prise de conscience attendue qui se meut en bouleversement intime et radical de la psyché du personnage.
L'aventure peut donc s’entreprendre comme le rite initiatique menant à l'effondrement du monde d'un être paumé dans son avidité et sa maîtrise. Délitement qui laissera place à un fatras parfois bien plus confortable que l'ordre oppresseur. Et si anarchisme et chaos sont évidemment toujours à différencier, il est bien agréable d’y voir une forme de morale anarchiste joyeusement clamée de la plus pop des manières.
Bref, un film court comme un pied de nez à un monde où "tout s'achète" qui trouvera sûrement une place de choix dans le catalogue BeTv.

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