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Azadi de Sam Peeters

Publié le 20/03/2019 par Lucien Halflants / Catégorie: Critique

Azadi : liberté en Farsi ou libre arbitre en Kurde, s'ouvre sur une immensité agitée. C'est la mer qui s'érige souvent en tombeau. Elle est belle, bien sûr, c'est ce que la somptueuse photographie veut nous rappeler. Et si elle est si majestueuse, outre sa force et son imprévisibilité, c'est parce que depuis des siècles, elle rallie des cultures, des peuples aux teintes de peaux aux origines si peu éloignées. Voici comment, en quelques plans et sans un mot, un petit film peut mettre en exergue une chose essentielle : l'Europe est cosmopolite par son histoire et le restera à jamais. (Des phéniciens aux macédoniens, par exemple, qui auront fait des cultures européennes ce qu'elles sont).

Azadi c'est donc un film documentaire à l'exquise beauté, une variation dont le style évident passe souvent au second plan au profit de son engagement. Il choisit de suivre la perdition et les remises en question de réfugiés qui fuient l'oppression de leurs pays de naissance vers une nouvelle vie Européenne. Ces mêmes migrants qui finalement échouent sur des zones tampons telles que l'île de Lesbos et qui - en attendant une décision bureaucrate - errent dans ces limbes, ces camps n'offrant rien que l'humiliation pour parer la mort.
Puis rapidement, le film questionne l'humain, plus simplement, par la force de leurs échanges et réflexions, de leurs remords, leurs regrets. Eux qui se demandent parfois pourquoi ils espèrent tant - alors que leur seul nécessité est de fuir le désespoir -, regardant avec envie les ferrys s'éloigner vers l'immensité et le soleil couchant comme un énième nouveau monde, un eldorado.
La mer se fait calme, orageuse, indécise et reflète les états d'âme des protagonistes comme leurs rapports à celle-ci et démontre les ténèbres qu'ils doivent fuir pour préférer affronter une telle force indomptable avant la froideur des camps dans lesquels ils seront entassés. Dans une troublante proposition, la pêche à l'humain - horrible vision - est associée à la pêche à la sardine et schématise les traumatismes d'un pêcheur grec qui aura ajouté cette tâche à son travail quotidien.
C'est à travers l'action et avec l'intelligence d'une mise en scène documentaire, qui ne manipule l'image que pour en tirer la substantifique moelle et y apposer son propos, que le film remue. A la manière du très beau Fuocoammare, avec émotion et sans pathos et à travers une certaine évidence picturale, il ramène ces enjeux sociétaux essentiels à hauteur de femmes, d'enfants, et même d'animaux mais surtout d'hommes. Ceux, plus ou moins directement impliqués dans ce que l'on appelle une crise migratoire qui tente à différents niveaux, avec différents moyens de l’apaiser.

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