Il faut réciter la prise de Refuge chaque jour. C'est le fondement du chemin intérieur — Bokar Rimpoché.
La Journée d'un bouddhiste. Ed. Claire lumière.
Il faut réciter la prise de Refuge chaque jour. C'est le fondement du chemin intérieur — Bokar Rimpoché.
La Journée d'un bouddhiste. Ed. Claire lumière.
C'est dans une aventure peu banale que nous entraîne Guy Maezelle, celle de la méditation, à une époque où la dictature de la productivité a tendance à négliger les pratiques spirituelles. Le réalisateur de l'Innocence interdite, ayant rencontré Bokar Rimpoché, un lama tibétain, lors d'une retraite de méditation organisée par celui-ci, a décidé de lui consacrer un film. C'est donc à la découverte du bouddhisme tibétain que nous convie ce film monté dans les locaux du CBA, Guy Maezelle en nous dressant le portrait de l'un de ses derniers représentants vivants, héritier d'une connaissance ancestrale qui, avant l'annexion du Tibet par la Chine, représentait un mode de vie incomparable au mode de vie moderne qui est le nôtre. Cinq années de voyages, de repérages dans l'Himalaya indien, au Laddakh (où sont exilés les tibétains refusant l'occupation chinoise). Et soudain, une disponibilité peu courante de Bokar Rimpoché, l'arrivée du Dalaï Lama ainsi que la présence de Sa Sainteté le XVIIème Karmapa accélèrent le tournage du film même si les conditions (température, lumière) sont quelque peu rocambolesques pour une équipe de cinéma tournant en Super 16.
« Mon itinéraire personnel m'a permis de prendre contact avec différentes formes de méditation : shamanisme, bouddhisme, soufisme, nous confie Guy Maezelle. J'y consacrais une heure par jour. C'était devenu une hygiène de vie. Pendant ce parcours j'ai lu un livre de Bokar Rimpoché sur la méditation dans le bouddhisme tibétain. Le déclic s'est produit lorsque une amie anthropologue m'a dit avoir pratiqué une retraite de méditation que le maître organise à l'attention des occidentaux. J'ai pensé que si je ne faisais pas pareil j'allais passer à côté de quelque chose d'essentiel dans ma vie. J'ai tergiversé pendant deux à trois mois et puis j'ai pris le risque. D'autant que depuis que je suis adolescent je savais que j'irais là-bas. C'était comme un rêve. Aller en Inde et avoir un parcours spirituel là-bas. Bokar Rimpoché demande lorsqu'on participe à son séminaire qu'on prenne Refuge en tant que bouddhiste pour qu'il puisse à travers cette prise de Refuge nous donner sa protection et nous accepter en tant que disciple. Il demande qu'on suive un programme qui exige facilement deux heures par jour de pratiques qui sont à la fois de la méditation et des exercices de purification karmique ayant des fonctions thérapeutiques, psychologiquement parlant. Je me suis donc retrouvé en Inde, pour la première fois avec quelque cent cinquante personnes qui se prosternaient devant Bokar Rimpoché. Pendant les quinze jours de retraite, on récite des mantras, on chante, on médite toute la journée. De cinq heures du matin à sept heures du soir. Un enseignement et une méditation en symbiose entre ce qu'il dit ainsi qu'avec sa gestuelle quotidienne. Il est attentif à toutes les personnes qui l'entourent, va au-delà de l'attention qu'il porte à lui-même. Il m'a transmis l'énergie nécessaire pour que je pratique la méditation deux heures par jour dés mon retour en Europe.
Je ne sais pas si je suis devenu bouddhiste mais en tout cas je pratique la méditation. Plutôt que la culpabilité, le bouddhisme nous met face à la responsabilité. Ce qu'un maître de méditation apprend - et ce que j'ai trouvé - c'est une technique qui a des effets psychologiques très conscients. Quand on voit des gens se prosterner, ça peut paraître bizarre au début mais cela a un impact psychologique évident. Toutes ces pratiques poussent à lâcher la saisie égocentrique ». Le film est aussi un peu un challenge personnel, comme l'avait été L'Innocence Interdite. On se souvient que ce court métrage de 11'avait été tourné avec les économies du réalisateur (se reporter à notre reportage publié dans le n°94 du magazine Cinergie). Pour Bokar Rimpoché, Guy Maezelle produisant le film en fonds propres aurait pu se contenter de partir avec une DV-Cam. Pas du tout. Armé d'une Super 16 il se rend, avec une équipe, dans l'Himalaya indien avec l'idée de faire un film qui pourrait éventuellement sortir en salles. Tant qu'à rêver voyons grand.
« On verra si je peux y arriver financièrement. Pour le moment on contacte les télés et on le monte comme un 52' de manière à pouvoir terminer le film. Mais, au départ, dans mon esprit, le but était de le sortir en salles. C'est aussi pour cette raison que j'ai choisi le format 1.85 plutôt que le 1.66, afin d'élargir le champ et donner une ouverture au film. C'est d'ailleurs la partie qui reste à filmer. Je dois retourner là-bas, en octobre, pour capter les plans larges qui donneront au film sa respiration. Des scènes en extérieurs au monastère et au Népal. L'idéal serait que le spectateur puisse faire un parcours qui lui montre la grandeur des paysages de l'Himalaya et qu'il puisse entamer en même temps une réflexion sur sa propre vie. J'ai négocié pendant plus de deux ans et demi pour obtenir l'autorisation de filmer Bokar Rimpoché. Il a fallu que je m'imprègne de la philosophie transmise, dissiper les malentendus d'autant qu'ils n'ont pas envie de banaliser les choses et que Bokar Rimpoché ne tient pas du tout à être médiatisé au-delà de l'enseignement qu'il transmet à travers les livres qu'il publie. Et pour couronner le tout, je suis face à un maître pour qui la transmission orale prime. »
« Le fil conducteur du film est le portrait d'un personnage dans son environnement et, au travers de cela, un enseignement de sa philosophie sur la vie, la mort et l'amour. Parce que dresser le portrait de Bokar Rimpoché, de sa personnalité même, est impossible puisque sa personnalité, n'a pour lui, aucune importance. C'est quelqu'un qui est au-delà d'un regard égocentrique. Il travaille depuis qu'il est petit à éliminer cela. Le regard qu'il a sur sa souffrance c'est la souffrance des autres, ce n'est pas la sienne. Il observe ses émotions avec beaucoup de détachement. C'est donc très difficile d'avoir un avis très personnel de lui en dehors de son regard détaché sur la vie. Ce n'est qu'en le laissant parler de sa philosophie et ce n'est qu'en le laissant enseigner, transmettre sa conception des choses qu'on peut cerner le personnage. C'est difficile à expliquer. Les Tibétains ont un énorme respect pour lui. Ils se prosternent devant lui. C'est un personnage, donc lui dans un film, se pose aussi en tant que personnage, en tant que maître parce que c'est un être réincarné, l'émanation d'un grand lama, qui a une haute vision des choses et qui sert uniquement cette haute vision des choses. A Mirik, dans son monastère, il nous a laissé l'approcher comme cela a été rarement fait, il nous a laissé entrer dans sa chambre où il médite le matin, il nous a laissé voyager avec lui. Ce qui est rare de partager avec un maître de ce niveau. Sa journée consiste à pratiquer et veiller à ce que tout se passe bien dans le monastère de Mirik, autour de lui. Il reçoit plein d'enfants - et c'est très présent dans le film - de gens qui traversent les montagnes pour arriver dans des conditions à peine imaginables déposer leur enfant dans son monastère et ensuite repartir, puisqu'il n'y a plus d'école au Tibet. Et qu'il faut savoir que les chinois les empêchent de franchir la frontière, qu'ils risquent donc la prison. Bokar Rimpoché et son monastère sont des garants de la préservation de leur culture. Il est cité, très souvent, comme une référence. Le Dalaï Lama estime que son monastère est l'un des plus exemplaires parce qu'il y a une certaine discipline, une certaine rigueur et un respect aussi dans la procédure de chaque rituel. »