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Boxe ! Un film de Vincent Detours et Dominique Henry Avant-Première au Kinograph le 11 juin

Publié le 07/06/2022 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Depuis plusieurs années maintenant, Vincent Detours et Dominique Henry réalisent en duo des documentaires pour le cinéma (D’un monde à l’autre, Mains-d’oeuvre, Sous la main de l’autre) et la radio sur des sujets liés à la santé physique ou mentale, et plus largement aux droits des individus. Avec Boxe !, ils ont suivi pendant plusieurs années Vasken, Amédéo et Guillaume, trois jeunes gens, à cheval entre l’enfance et l’adolescence, dans leur apprentissage de cette pratique sportive. Ils signent un beau film sur l’enfance et ses rêves, ses fragilités et ses mutations, mais aussi sur le « noble art », cette pratique sportive où se jouent tant de fantasmes, où s’exaltent vaillance morale et force, maîtrise de soi et art du face à face.

Boxe ! Un film de Vincent Detours et Dominique Henry Avant-Première au Kinograph le 11 juin

La boxe offre au récit cinématographique l’espace de sa dramaturgie, qui commence à l’entraînement, se joue sur la scène du ring et se finit parfois au tapis, le plus souvent dans les coulisses du vestiaire. Ici, le film prend le parti de ne pas sortir de ces espaces entre lesquels il va et vient sans cesse, comme ses protagonistes. Il s’évade deux fois pour suivre Vasken et son père, d’abord le temps d'un long plan fixe qui écoute un chant arménien et fait respiration. Une autre fois en Arménie comme un ailleurs qui raconterait les dessous de l’histoire de ce gamin de dix puis douze ans qui ne dit pas grand-chose et suit son père. Mais en général, les jeunes gens que le film regarde, parlent peu. Les mots sont dits pour eux, ils évoluent dans un faisceau d’attentes, de rêves, de projections, de conseils, d’anecdotes, d’histoires qui se tissent autour de leur corps, de leur entraînement, de leur avenir. Les mots, les conseils, les commentaires volent partout autour d’eux, aussi rapides que les droits directs. Et quand ils disent quelque chose, comme Guillaume qui veut mettre son adversaire KO, ils reçoivent des leçons. « La prochaine fois que tu dis ça, c’est moi qui te mettrais KO » lui rétorque l’un de ses entraîneurs. C’est que la boxe n’est pas un sport de bagarreur. C’est un art noble, qui a ses idoles, ses légendes, ses épopées, comme un match de Tyson ou les combats de Mohamed Ali, dont le portrait est partout, dans toutes les salles d’entraînements, en arrière-plan. Si la chair de l'athlète, modelée pour le combat puis laminée par les coups, reflète sa trajectoire, ici ces jeunes gens pas encore amochés par les uppercuts sont le miroir des désirs de tous ceux qui les entourent. C’est dans cet entrelacs de projections qu’ils évoluent et cherchent leur chemin.

Ne sont-ils pour autant que le jouet des ambitions de ces hommes qui les entourent ? C’est ce que pourrait induire le titre du film qui sonne comme un impératif avec son point d’exclamation. Si Detours et Henry les filment le plus souvent mutique, toujours dans l’espace de leur sport comme s’ils n’avaient pas d’autres vies, au milieu des hommes qui les entourent, les entraînent et leur parlent, l’impératif est aussi celui de ces entraînements exigeants. À eux, ils restent les quelques rêves qui les parcourent, comme Guillaume qui veut partir en Amérique ou Amédéo qui rêve de sa catégorie. Seul Vasken tait ce qui l’anime, mais il pleure quand il a perdu et s’excuse auprès de son père qui le console. Leur fragilité d’enfant est là, perpétuelle, dans les larmes de l’échec ou la nervosité du combat. Comme ils sont filmés la plupart du temps au milieu des autres, leurs rares moments de solitude sont poignants. Mais aussi la douceur des hommes entre eux, quand ils se consolent ou s’encouragent.

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