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Bula de Boris Baum

Publié le 06/12/2021 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Odyssée des temps modernes, le film Bula nous offre, en guise d'Ulysse, l'étrange personnage de Marcelo, incarné par un Matthieu Delaunay déconcertant. Emporté de scènes en scènes par la caméra de Boris Baum, avec pour seul guide cet oncle Antoine (Xavier Gallais) qui semble fou à lier, Marcelo est culbuté, baladé, translaté d’un univers étranger à un autre, entre Belgique et Brésil. Jusqu’à ce que l’on comprenne le véritable but de cette quête, l’Eldorado caché au bout de ce périple : l’héritage de son défunt père.

Bula de Boris Baum

La beauté et la force du film, on la trouve dans les paysages et les atmosphères que le réalisateur saisit. Des nuits palpitantes, des gratte-ciels envoûtants, des souterrains étranges ou encore des stades délaissés, qui reprennent vie par les personnages qui les envahissent. Dans ces lieux, Boris Baum crée des ambiances bleues, rouges, violettes, un dégradé nocturne délicieux, où se côtoient et s’entrechoquent des êtres en marge de la société. De Marcelo, ces personnages hauts en couleurs autant qu’éphémères se jouent comme d’un garçonnet sans expérience, comme d’un simplet sans connaissances du monde. Jusqu’à ce que la transe se termine et que l’odyssée reprenne son cours.

Point d’objectif dans cette quête ? En suivant le testament du défunt, Marcelo parvient sur l’île mystérieuse d’Hesperia. Là, il découvre une communauté peuplée d’hommes et de femmes qui ont fui le rejet de la société et vivent désormais en autonomie, loin de cette civilisation qui ne souhaite pas les accueillir. L’héritage de son père, reliquat des institutions fondées par celui-ci et préservées par l’anonymat du scientifique. Habilement, Boris Baum donne foi à son récit fictionnel en intégrant des images d’archives bien réelles au dispositif, brouillant encore plus les frontières entre rêve et réalité. De sorte qu’on ne parvient jamais à distinguer si l’on est face à la construction d’une utopie imaginaire, ou bien à la reconstitution d’un paradis perdu mais bien réel, retrouvé par les protagonistes.

Souhaite-t-on vraiment répondre à cette interrogation ? Heureux les simples d’esprit, nous rétorque le film. Et son cinéaste de nous immerger dans cette folie douce que vivent à chaque instant les personnages de cet Eden. Une prolongation de l’expérience sensorielle amorcée par les premières péripéties du duo, et magnifiée par la technique sonore et visuelle du film. “As-tu déjà fait l’amour à la nuit ?”, demande Antoine à son neveu au début de leur périple. “De nuit ?”, demande Marcelo. “Non, à la nuit…” répond mystérieusement son oncle. La préparation adéquate à la plongée nocturne et à l’ivresse que s’apprête à vivre le jeune homme.

Proposé par le Kinoféroce, tout jeune programme initié par les réalisateurs Jérome Le Maire et Xavier Seron, par l’équipe du cinéma Kinograph et par la distributrice Valéria Musio, Bula condense toute la ligne éditoriale du projet en une seule œuvre. Singulier, atypique, surprenant par son dispositif, le film programmé et présenté par ce comité nous encorne violemment - si l’on pousse le jeu de mot - et ne nous laisse pas indemne. Une vraie expérience de cinéma, à découvrir absolument dans les salles partenaires du pro, pour en débattre rageusement ensuite.

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