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Ce qui nous lie de Sonam Larcin

Publié le 25/04/2024 par Quentin Moyon / Catégorie: Critique

Samedi 13 avril, la vision et le savoir-faire du studio A24 rencontraient la folie et l’authenticité du public du Bruxelles International Fantastic Film Festival (BIFFF), lors de la projection du film Love Lies Bleeding de Rose Glass. Une rencontre manquée, où propos lesbophobes et interventions policières sont venus nous rappeler tout ce qui nous éloigne dans un monde de plus en plus extrême : l’intolérance, la violence, l’irrespect. Alors que la Pride Week 2024 se rapproche à grands pas, Sonam Larcin préfère à la haine l’espoir, l’amour et ce qui nous rassemble dans son film Ce qui nous lie.

Ce qui nous lie de Sonam Larcin

Après Cédric Klapisch qui en 2015 faisait maturer tant les relations fraternelles que le vin, et Sophie Péault qui en 2022 livrait un regard court, mais intense sur les accointances qui se créent au cœur d’un EHPAD, au tour de Sonam Larcin de prénommer son film Ce qui nous lie. Ici les liens sont familiaux et amicaux autant qu’horizontaux ou verticaux : ils sont intergénérationnels et évoquent la famille que l’on se choisit. Du père que l’on ne connaît pas vraiment, à l’enfant qu’on ne connaît pas encore. En 68 minutes, le réalisateur et scénariste belge apparaît devant et derrière la caméra pour nous emmener dans sa quête et celle de son compagnon Kevin. Celle d’un enfant, qui leur ressemble… ou pas d’ailleurs. Mélangeant voix off et focus groupes, archives et images d’aujourd’hui, Sonam Larcin renouvelle autant notre vision poussiéreuse de la famille qu’il hybride les méthodes documentaires. 

Quel meilleur outil alors que l’IA pour faire matcher ces deux idées : à partir de photos de Sonam et de Kevin, le film nous montre un logiciel qui permet de créer une esquisse imaginaire d’un enfant qui leur ressemble. Une fusion de leurs deux visages. Même s’ils savent bien que cela n’est pas possible. Qu’avoir un mini eux nécessite de faire appel à une tierce personne. Une mère, ou femme porteuse. De construire une famille où la photo comporte deux papas et où l’ADN ne compte pas. De sortir des carcans des familles nucléaires hétéronormés. Pourtant, aujourd’hui, la possibilité existe : ils peuvent avoir un enfant à eux. 

Les questions se bousculent alors dans la tête de Sonam et, caméra à l’épaule, il porte le micro dans les plaies. Ses plaies. Celles de sa relation inaboutie avec son père. Mais aussi celles de ses amis, de sa famille. D’un témoignage à un autre, les récits diffèrent, mais dessinent bientôt une réalité similaire : qu’il s’agisse d’une pression sociale invitant au “réarmement démographique” pour les couples hétérosexuels ou d’une suspicion concernant “la manière dont ils ont donné la vie” pour les couples du même sexe, construire une famille n’est pas simple. La quête se fait longue, ardue, semée d'embûches. Mais semble-t-il solidaire et joyeuse. 

Parce qu'il faut être deux pour faire trois, et bien plus encore pour construire une société tolérante, Sonam Larcin nous redonne l’envie de donner une chance à ce qui nous lie.

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