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CINEMATEK : Carte blanche à Auguste Orts / C0N10UR

Publié le 18/05/2023 par Basile Pernet / Catégorie: Événement

Du 9 septembre au 5 novembre prochain, se tiendra à Malines la Biennale C0N10UR dédiée aux pratiques cinématographiques de l’image en mouvement. Auguste Orts, plateforme de production et de distribution belge, est désignée commissaire de cette exposition produite et organisée par le centre artistique nona. En avril dernier, Cinematek a ouvert ses portes à Auguste Orts pour superviser une semaine de projection pensée comme prélude à C0N10UR. Pour l’occasion, certains des artistes participants à la Biennale ont été désignés par Auguste Orts pour constituer la programmation. Une semaine consacrée à un cinéma de la vie réelle, sociale et politique. Une semaine à découvrir des expérimentations cinématographiques sensorielles et poétiques.

Photo : Medusa

CINEMATEK : Carte blanche à Auguste Orts / C0N10UR

Chaque projection regroupait au moins deux œuvres : l’une directement réalisée par l’artiste invité.e, l’autre sélectionnée par ce.tte dernier.e et issue des collections de Cinematek, généralement produite aux alentours des années 1970 et 1980. La plupart de ces films représentent un parcours de vie, dans une maison familiale, dans les rues d’une ville, ou dans un village au cœur de l’Afrique. Pour majeure partie, ils racontent des luttes, celles de sans-abri, de réfugiés en attente de régularisation, ou bien de femmes palestiniennes déterminées à se soulever contre l’oppression politique (Sadh-dhakira Al Khisba, Michel Khleifi, 1981). La vie réelle, au plus près de l’être, vue à travers la lucarne d’un bâtiment, sous le prisme de l’authenticité et de l’humilité. Un cinéma “aventureux”, comme aime à le qualifier Auguste Orts, favorable aux “films qui interpellent, émeuvent, surprennent le spectateur et, par extension, le monde”. Les peintres de cette vie en mouvement sont des hommes et des femmes “qui vivent et travaillent en Belgique”, et qui, touchés par une œuvre en laquelle ils reconnaissent un sentiment de profonde vérité, se mettent à raconter leur propre histoire (Rosine Mbakam, Les Deux Visages d’une femme Bamiléké) ou celle de leurs semblables (Elie Maissin et Mieriën Coppens, And Their Letters). C’est cette relation particulière entre le créateur.rice et son œuvre, à la fois sensible et abstraite, qui semble animer l’état d’esprit des membres et fondateurs d’Auguste Orts : “Nous avons choisi les artistes en fonction de nos affinités avec leur travail ou leur manière de travailler. Nous ne sommes donc pas partis d'un thème particulier, mais directement des artistes eux-mêmes”.


Le point d’orgue de cette programmation réside dans la filiation entre les pratiques cinématographiques contemporaines et celles au départ des années 1970 (avec Chantal Akerman comme figure centrale emblématique). Un cinéma de l’expérimentation qui, par ses techniques et ses choix de mise en scène, questionne directement le monde à l’heure de crises politiques et sociales, notamment mises en exergue par l’éclosion du néolibéralisme, “le régime dans lequel nous vivons depuis lors, qui a eu un impact considérable sur nos vies et donc sur la création cinématographique”. Certes le Manhattan de Chantal Akerman n’existe plus tel qu’il était, mais son empreinte sur les mentalités perdure. De Women’s Camera (Gardi Deppe, Barbara Kasper, Brigitte Krause, Ingrid Oppermann, Tamara Wyss, Allemagne de l’Ouest, 1971) à Mes Voisins (Abid Med Hondo, France, 1971), ces films explorent les possibilités narratives du Septième Art, sortant des usages de la fiction et des préoccupations de vraisemblance au profit de celles de l’authenticité, dans un genre coudoyant le documentaire. Une continuité idéologique et identitaire est à l’œuvre entre les deux époques pour un constat non négligeable : peu de choses ont changé sur les plans politique et social. “Mais on peut aussi conclure que les cinéastes de l'époque sont un maillon d'une chaîne de résistance toujours et encore en devenir”, précise Auguste Orts. En outre, la plateforme de production belge est là pour promouvoir, réactualiser et réinventer ces pratiques cinématographiques marginales : “Regarder ce(s) film(s) n'est pas une question de nostalgie, mais de compréhension de ce qui rend difficile, voire impossible, la réalisation de films 'de ce genre' aujourd'hui”.


Les membres actuels d’Auguste Orts n’auront cesse de défendre ce cinéma aventureux qui, réinventant ses propres pratiques, réinventent une certaine perception du monde. Ces membres sont : Anouk De Clercq, Herman Asselberghs, Manon de Boer, Sven Augustijnen et Fairuz Ghammam. À l’issue de la Biennale cet automne, ils reprendront la réalisation de films par eux-mêmes, pour un cinéma dans lequel le trivial et le poétique peuvent ingénieusement cohabiter, en faveur d’une idée, d’une sensation, d’un sentiment. 

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