David Susskind, Sois un Mensch, mon fils ! de Willy Perelsztejn
Depuis 1987, Les Films de la Mémoire se sont attachés à l’histoire en produisant des documentaires sur l’exil (Rhodes Nostalgie, Survivre à Shanghai, la Photo déchirée), les enfants cachés (D’Auschwitz à Jérusalem), la résistance (l’Espoir pour mémoire, Un Simple Maillon, la Mission de Victor Martin, Heim Ins Reich), la musique yiddish (Concert Yiddish Soul, Yiddish Soul). Leur catalogue recense aussi du comestible (Chocolat mon amour, la boîte à tartines), du buvable (Robert Fortune : le voleur de thé, les Routes du Thé), du portrait (Siegi Hirtsch, artisan des relations humaines) et de l’inclassable (la bande dessinée a 100 ans).
À la tête de la boîte : Diane Perelsztejn, réalisatrice-productrice et son frère, Willy. Ce dernier vient justement de signer son premier film, le portrait politique et philosophique de David Susskind, forte personnalité du judaïsme bruxellois. Ce David-là s’est impliqué pendant 60 ans dans les principales causes communautaires : la reconnaissance de l’existence de l’État d’Israël, la liberté pour les juifs d’URSS, le refus de la présence d’un Carmel à Auschwitz, l’expression de l’identité juive laïque, la restitution des biens spoliés et, enfin, la co-existence de deux états, l’un israélien, l’autre palestinien.
Pour faire revivre ces différents combats en faveur de la justice, un défilé devant la caméra : l'intéressé lui-même, sa famille, ses amis journalistes, politiciens, historiens et autres figures communautaires. À travers les questions de Willy Perelsztejn et de Jean-Jacques Jespers, les souvenirs sont retracés et illustrés par d’autres images témoins : l’album de famille (le perso) et les archives de la RTBF (le mondial).
En ouverture, Anvers, la ville natale du protagoniste. Il y a grandi jusqu’à ce que la commune appose « Jood/Juif » sur sa carte d’identité et que les Allemands agissent de nuit à Provinciestraat (rue de la Province). C’est quoi, rafler ? David veut bien définir : « c’est venir te réveiller la nuit et t’enlever comme tu es, vers les camions pour les déportations dont 95% sont morts. (…) Ça veut dire qu’on voulait naturellement tuer tout le monde. C’était ça, la vérité. » Devant la maison, il dit au revoir à sa mère qui l’exhorte à être un Mensch, un type bien, courageux. De valeur, quoi.
Identités multiples : tour à tour, David Susskind fut religieux, laïc, communiste, sioniste. La certitude, c'est de s'intéresser à son peuple en restant militant. Après tout, la combinaison sympa c’est : opinions + actes pour obtenir des résultats. Il monte le Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ) et met en place des conférences importantes et mondiales. Le réalisateur retient celle du rapprochement entre Israéliens et Palestiniens (« Give Peace a Chance ») et celle en faveur des Juifs empêchés de sortir d’URSS. Le gouvernement belge se plaint de subir des pressions? « Qu’il fasse contre-pression ! » réagit David. Oui, qu'il le fasse...
Impossible aussi de faire l’impasse sur la guerre, trop intime et collective à la fois. Des actions seront menées. Contre la présence, à Auschwitz, de sœurs polonaises souhaitant prier pour le salut des nazis (chrétiens pour la plupart). Et pour la responsabilisation de l’État et des banques belges à l’égard des biens juifs spoliés. Succès car conscientisation collective.
Voilà. À travers les luttes évoquées, ce document est, bien entendu, un portrait d’un témoin de son temps. Mais c’est aussi celui d’un producteur, devenu réalisateur, tellement fasciné par son sujet qu’il n’hésite pas à le rejoindre à l’image et à le trouver aussi expressif que Brel… Et si la forme (vieillotte) laisse à désirer et si le point de vue, crucial dans tout documentaire, est ici peu expressif, il y a bel et bien un sujet fougueux qui, encore à 80 ans, propose sa version de l'engagement. Une définition, oui, une autre. Elle est la bienvenue...
David Susskind : Sois un Mensch, mon fils ! sort en salles, du 2 au 22 mai, à l’Actor’s Studio. En présence de David Susskind et du réalisateur à l’ Actor’s Studio (Bruxelles) le 2/5, au Parc (Liège) le 3/5, au Forum (Namur) le 4/5, au Plaza Art (Mons) le 7/5, au Parc (Charleroi) le 8/5.