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Entrevue avec Willy Perelsztejn à propos de l'ARPF

Publié le 01/12/2001 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Historique

"L'ARPF a été l'une des premières organisations de producteurs professionnels à avoir été créé. Historiquement, elle s'appelait l'ABPRF. Elle a été initiée par des réalisateurs qui ne trouvaient pas de producteurs qui les produisent - puisqu'il y a une vingtaine d'années il n'y en avait quasiment pas sur le marché et que les réalisateurs étaient donc obligés d'être leurs propres producteurs. Puis, d'autres organisations ont vu le jour comme l'UPFF qui a grandi ces dernières années grâce à la qualité de ses producteurs mais qui est d'abord et avant tout une union de producteurs. Alors que l'ARPF se définit clairement comme une association de réalisateurs-producteurs.
Depuis deux ans, l'ARPF a changé d'allure. Beaucoup de nouveaux membres sont venus nous rejoindre, évitant ainsi la sclérose de l'association. Les anciens membres ne sont plus très dynamiques, le mouvement associatif épuise, surtout que L'ARPF se caractérise par une mosaïque de petites maisons de productions audiovisuelles plus proches de l'artisanat que d'une PME comme certaines entreprises sont en train de le devenir aujourd'hui. Les plus anciens en ont marre de se battre contre des moulins à vent. Le bon exemple étant le tax shelter pour lequel on lutte à nouveau aujourd'hui, comme tu sais, mais dont on parle depuis vingt ans dans la profession. On a vu des générations de gens déçus parce que les moyens et les pouvoirs politiques ne suivaient pas."

 

 

"Les choses avancent depuis un certain nombre de mois. L'appellation Collectif 2001 est quelque chose d'unificateur en soi et il y avait une nécessité objective à ce que les choses bougent, sinon en juin 2001 on pouvait quasiment signer l'arrêt de mort de toute une partie de la profession. On est dans une situation exceptionnelle que l'on prévoyait déjà en 1995 et qui s'est confirmée depuis : c'est l'afflux de talents avec des projets de jeunes réalisateurs ou de producteurs porteurs de projets. On assiste donc à une dissémination de la production, des talents. On a le résultat d'une politique de formation à la création depuis dix ans qui tombe cash et ce serait absurde d'avoir un certain nombre d'écoles pour les arts audiovisuels qui sont de grande qualité au niveau européen sinon mondial. Comme on a une formation générale en Belgique qui est également l'une des plus équilibrées et des meilleures du monde ! En Belgique, quand on sort avec un diplôme d'une école supérieure ou d'une université - quelle qu'elle soit -, le diplôme est de qualité. Prends L'INSAS et l'IAD : hormis l'option philosophique, il faut vraiment chercher où se trouvent les différences. Cette qualité a généré un substrat culturel fort, des compétences globalement fortes. Même si les étudiants ne sont pas formés à l'économie de la production dans les écoles de cinéma, ce qui est une grave erreur, il n'en reste pas moins qu'il y a une capacité et un professionnalisme qui fait que les maisons de production marchent bien. Avec peu de moyens, on arrive à faire beaucoup de choses. S'il y a des faillites, elles résultent de la pauvreté de notre marché.

Donc, on a la combinaison des exigences et des talents du marché. Les circonstances économiques ont fait que le talent belge a dû se révéler au-delà des frontières pour pouvoir exister. Il n'en reste pas moins que s'il n'y a pas d'ancrage en Belgique les conditions de production deviennent impossibles. On va continuer à faire de la coproduction internationale mais sans base arrière ; c'est s'obliger à s'expatrier. Ce que peuvent faire réalisateurs et producteurs mais cela signifie se couper du substrat culturel dont les gens se nourrissent. La Belgique n'est peut-être pas un pays très cohérent mais sa diversité et son absence de centralisation en font un terreau fertile pour la création. Quand on est à l'étranger, on s'identifie comme Belge et l'on se sent plus proche de nos partenaires flamands malgré la différence linguistique. Il n'y a qu'en Belgique qu'on se demande ce que c'est qu'un Belge."

 

Auteurs-réalisateurs

"La démarche de l'ARPF est de s'ouvrir de manière constante aux nouvelles générations de réalisateurs-producteurs, à ceux qui n'ont réalisé qu'un seul film. On essaie de défendre l'ensemble de la profession, des genres (documentaire, fiction). Les moyens ne sont pas à ce point importants pour pouvoir se permettre des guéguerres. Dans un pays - et ce n'est pas seulement vrai pour la Belgique mais également pour l'Europe -, le documentaire représente plus de 50% de la production. Ce n'est pas un hasard. On constate d'ailleurs que la plupart des auteurs de fiction belges ont souvent commencé par faire du documentaire : les frères Dardenne, Jaco Van Dormael... On parle de style belge qui est ancré dans la réalité avant d'entrer dans l'imaginaire. Cette réalité passe par le documentaire. Il est donc assez logique que dans une petite association comme la nôtre nous ayons beaucoup de documentaristes."

 

RTBF

"J'ai été l'un des deux négociateurs, avec Eric Van Beuren pour l'UPFF. La dernière année a permis de décanter les choses et de calmer le jeu qui, comme tu sais était extrêmement conflictuel pour plein de raisons sur lesquels on ne va pas revenir. Etant donné l'étroitesse des moyens que peut mettre la RTBF - même dans le nouveau contrat de gestion - cela reste marginal par rapport à l'ensemble du budget de la RTBF. Je l'ai souligné à la commission parlementaire qui devait donner un avis sur le nouveau contrat de gestion de la RTBF, il y a quelque mois. L'ensemble des moyens consacré par la Communauté française et la RTBF à la coproduction représentait 10% de la valeur antenne de ce qui était montré à la RTBF. Il y a donc une disproportion entre les deux. En observateur extérieur, je constate et je le regrette que trop peu de moyens soient consacrés par la RTBF à la production par rapport à la structure. Il faut donc arriver, comme dans toute entreprise, à trouver un équilibre entre l'ensemble des moyens structurels (bâtiments, personnel de base, moyens techniques) et la production elle-même.

La différence entre la RTBF et RTL-TVI, c'est que RTL veut des petits pains genre téléfilms ou un tout grand nom au niveau cinéma, qu'ils ne sont pas du tout intéressés par une attitude de service public. Si Club-RTL voulait avoir une bonne audience, au lieu d'avoir 5%, par exemple, avec un ancrage documentaire, il pourrait l'avoir. Mais ils n'en veulent pas. Ce n'est pas leur choix. La RTBF/Deux a de meilleurs taux d'audience mais n'a pas une image et il y a là une responsabilité de la direction de la RTBF de ne pas avoir su défendre le point de vue que la Deux doit avoir le même espace d'information que la Une. Une chaîne de service public se définit non pas par l'emploi qu'elle génère mais par le choix de programmes qu'elle offre à la population belge francophone. Ce choix se combine à l'évidence avec la création de la communauté francophone, en ce qui concerne le documentaire, le long métrage, le court métrage et l'animation, qui sont portés par les producteurs et réalisateurs francophones."

 

Europe

"Il faut être très clair. Si l'on veut produire pour les marchés européens, on est obligé d'unifier l'ensemble de la production audiovisuelle francophone pour pouvoir profiter des structures qui pourraient se mettre en place au niveau européen. Je pense tout particulièrement au taux d'investissement européen. Si l'on crée un Fonds européen d'investissement, il faudra quasiment que toute la production belge s'unisse (c'est la devise de la Belgique). On ne peut pas se permettre de s'adresser au fonds européen en ordre dispersé. Par contre, si l'on peut fédérer notre travail, on peut peut-être arriver à ce qu'un fonds de garantie puisse servir également à la production francophone et même nationale. On n'a pas de frontière ni dans nos coeurs ni dans nos esprits.

J'ai accompli un mandat de quatre ans à l'ARPF, après Hubert Toint, Marie Mandy et Jean-Pierre Berckmans, avec deux premières années très dures de guerre ouverte avec la RTBF. Je suis un peu épuisé. Pour l'avenir, si les moyens se dégageaient, je rêve que l'on crée une vidéothèque reprenant la création audiovisuelle et cinématographique belge. Que l'on ait enfin un lieu où tous les films belges (courts, et longs métrages, animation, documentaires sur quelque support que ce soit) soient consultables par l'ensemble de la profession et du public. Ce lieu ne coûterait pas très cher pour voir le jour. Un budget de cinq millions serait suffisant en personnel, en matériel. On pourrait enfin avoir un lieu convivial où la création francophone audiovisuelle belge pourrait être consultée et deviendrait peut-être à terme, avec un peu plus d'argent, une vitrine de la création audiovisuelle francophone. Cela ne me semble pas exiger des montants faramineux. Dans la perspective des nouveaux moyens de 2004, j'espère que cette idée pourra se mettre en place. Ça permettra d'organiser la rencontre entre les gens. Ça manque. Cela pourrait être la Maison de la création audiovisuelle."

 

Photo : JMV

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