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Ashcan de Willy Perelsztejn

Publié le 09/10/2018 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

Mai 1945. La guerre est finie

Pendant que les atrocités nazies sont montrées au monde, l’humanité se questionne et cherche une réponse juridique face à l’innommable. Avant le procès, il a fallu en savoir plus sur le régime nazi, sur son fonctionnement, sur le rôle de chacun dans les atrocités découvertes depuis peu. Avec Ashcan le réalisateur nous plonge dans une bien étrange histoire.

Ashcan de Willy Perelsztejn

Ashcan retrace une période méconnue de la Seconde Guerre mondiale, l’antichambre du procès de Nuremberg. Pendant près de trois mois, les plus hauts dignitaires du 3e Reich ont été emprisonnés et interrogés dans la prison secrète sous le nom de code Ashcan et placés sous l'autorité des forces alliées à Mondorf-les-Bains, au Luxembourg. Ashcan revient sur le face à face entre les interrogateurs alliés et les criminels nazis et permet de transmettre une mémoire et consigner un témoignage sur cette période grise de la Seconde Guerre mondiale.

Ashcan dénote par ses ambitions et sa forme : l'ambition de déterrer des archives tombées dans l’oubli et de mettre les projecteurs sur les privilèges qu’eurent certains anciens hauts gradés nazis, mais aussi par son immersion dans les rapports qu’entretiennent le cinéma et le théâtre, plongeant le spectateur au sein d’une production en train de se faire.
Juin 1945. Dans l’ancien Palace, rebaptisé Ashcan camp, le cadre s’arrête sur une grande table vide et quelques chaises en bois. L’officier américain se fait attendre. Il rentre brusquement avec émoi et fragilité. Soudain, débarquent d’abord Goering, un cliché idéologique, pensant encore recevoir des applaudissements. Suivent ensuite tous les autres militaires de hauts rangs. Ils exigent qu’on les appelle par leur grade militaire et qu’on les respecte comme tel. 
Une simple pièce de théâtre ne semblait pas suffire au réalisateur belge Willy Perelsztejn. Un simple film non plus puisqu’aucun des deux ne permettaient de rendre compte de la réalité des faits historiques. Aussi, le cinéaste n'inclut pas des scènes de théâtre dans un film, mais filme et monte des extraits de répétitions comme s'il s'agissait des rushs de scènes de fiction. Le procédé, plutôt original, permet alors de superposer différents niveaux de lecture sans jamais lasser son spectateur.
Le réalisateur construit son film comme un souvenir, en ôtant la traditionnelle voix descriptive et empathique, souvent insupportable, et en laissant toute la place aux acteurs (tous merveilleux) et aux faits historiques relatés par des spécialistes et un témoin réel qui se succèdent face caméra. Le film est alors entrecoupé d’images d’archives, ce qui donne au documentaire une épaisseur singulière, une ligne riche en information. Se succèdent alors, au cours du film, des plans plus évocateurs, rendant compte de la complexité du sujet. Les comédiens narrent leurs ressentis, les rôles qu’ils doivent jouer et leurs personnages, la façon de les reproduire sur scène sans les rendre monstrueux ni trop humains pour autant. Ils discutent avec l’équipe et livrent leurs analyses sur ces dignitaires nazis et permettent de mieux comprendre les personnalités des collaborateurs d’Adolf Hitler.

Un à un, Goering, Streicher, Keitel, Doenitz ou encore Ley sont représentés devant nous avec une justesse précieuse sur le plan historique.

 

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