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De la distribution de courts métrages en DVD : rencontre avec Mélanie Couraud de Come-and-see

Publié le 05/04/2007 par Dimitra Bouras / Catégorie: Dossier

À l’heure où les DVD sont bradés, où l’on trouve, dans les bacs de promo de certaines grandes surfaces, les titres de Marion Hänsel + entretiens avec spécialistes + making of + images d’archives + etc. à des prix aussi dérisoires que  5 €, distribuer des petits bijoux de courts métrages présentés dans un écrin fait sur mesure, tient du défi... C'est la jeune maison d’édition et distribution Come-and-see qui s’est lancée ! A l’instar de ses productions, Mélanie Couraud est menue et précieuse, mais derrière ses apparences pleines de douceur, elle n’est pas dépourvue du sens des affaires ! Rencontre autour d’une tasse de café noir.

 

Cinergie : Come-and-see édite des DVD de courts métrages belges. Mais on voit de nombreuses copies de courts circuler en DVD dans le milieu.

Mélanie Couraud : Il faut savoir que le soutien de la Communauté française à la production cinématographique ne s’arrête pas à la réalisation, mais accompagne les longs comme les courts métrages dans leur promotion.

Un court métrage soutenu par la Communauté française reçoit plus ou moins 3.000 € d’aide à la promotion lorsqu’il est sélectionné dans un festival de classe A. Il faut déjà qu’il ait une certaine reconnaissance dans le circuit des festivals pour débloquer cette aide qui est une promotion tant internationale que nationale.

Souvent, cette aide sert au producteur à faire des copies du film sur DVD.

Les producteurs, qui sont le plus souvent les réalisateurs pressent des DVD pour porter les diffuseurs, les acheteurs ou la presse. C’est une manière intéressante de se faire connaître. Mais là où ça pose un problème, c’est quand ce support DVD devient un objet commercial.

Normalement, les DVD promotionnels sont offerts, mais une marge, encore petite mais qui pourrait grandir si on n'y prend pas garde, est utilisée dans la vente, sous forme de compilation, ou même tel quel. Pour arrondir les fins de mois, puisqu’il faut gagner de l’argent, ces DVD sont vendus ! On dépasse donc le cercle de la promotion.

C. : Le scénario idéal serait que cette promotion puisse être organisée pour pouvoir être utilisée de manière plus intelligente, avec vue à long terme.

M. C. : Nous avons mis en place un projet de diffusion proposé à la Communauté française et qui consiste à dire : au regard des pratiques actuelles, il serait intéressant de créer une formule incluant le côté diffusion pure comme objet culturel et le côté plus commerçant pour accéder à des réseaux de diffusion, de distribution, donc de commerce. Puisque aujourd’hui, de fait, grâce à l’enveloppe allouée à un auteur, à un producteur ou à un réalisateur de court métrage, chacun fabrique son DVD, nous proposons, nous, en tant que petite structure d’édition, de prendre en charge avec eux un système de coédition.

Grâce à l'expérience que nous avons acquise, nous leur proposerons de coéditer un kit de promotion. Le film serait pris dans la « Collectioncourt » de Come-and-see, qui existe déjà dans le circuit de la distribution, accompagné d’un dossier de presse, d'un travail éditorial qui mettrait en avant le film et ses spécificités, l’auteur etc. C’est-à-dire une mise en contexte pointue avec, éventuellement, l’impression d’affiches, de flyers, d’objets promotionnels, etc. Le producteur prend x objets pour sa promo interne pour un réseau bien précis (les professionnels et la presse), et nous, nous leur offrons le circuit de distribution marchand où les films seraient diffusés dans les rayons de courts métrages que nous avons mis en place aujourd’hui après 2 ans de bataille, sur le territoire et à l’étranger.
Nous pourrions ainsi, en réunissant nos forces, atteindre les deux cibles : le culturel et le marchand.

C. : Quelle réponse avez-vous reçue ?

M. C. : La Communauté française nous a proposé de rencontrer les producteurs... Réunion que nous attendons toujours.

C. : La Communauté française, en tant qu’institution, ne peut pas imposer aux producteurs leur politique de promotion !

M. C. : C'est évident, mais nous aimerions que cette institution soit plus attentive au sujet des moyens de diffusion, que les moyens soient effectivement utilisés à cet objectif et non détournés à d’autres fins.  L’enveloppe existe, la Communauté est consciente qu’il faut aider la diffusion. Ce que nous leur proposons, c’est de mettre notre expérience à leur service.

Je suis bien consciente que cette collaboration ne se mettra pas en place en 5 minutes, mais il fallait aussi que je prouve ma capacité à créer des partenariats. Ainsi, nous avons expérimenté une coédition française où nous avons eu l'aide du CNC. D’autre part, nous allons  sortir la compilation de Xavier Diskeuve en partenariat avec Cinéart.

C. : Flatlife et Alice et moi ont été édités de la même manière ?

M. L. : Non!  Flatlife et Alice et moi ont été faits en fonds propres.

C. : La trilogie de Xavier Diskeuve sort bientôt ?

M. C. : Début mai. On essaye de rendre nos éditions plus thématiques, parce qu'effectivement, le marché du DVD est extrêmement mouvant, et actuellement en perte.

On ne peut pas rivaliser, notamment avec des éditeurs français subventionnés à outrance et qui produisent des DVD au tiers de notre prix. Ils ont des collections de DVD à 2 € pièce !

Comme on ne peut pas lutter sur ce terrain-là, on essaye d'avoir d'autres arguments, par exemple la qualité d'édition, autant au niveau de l'objet, que du contenu ou de la thématique. On essaye de garder cette ligne-là et de tenir ce petit format de collection. C'est comme en littérature, il y a les formats de poche pas chers qu'on peut jeter ensuite, et puis il y a ceux, un peu plus chers, qu'on choisit de garder dans sa bibliothèque. On vise plutôt cette clientèle-là. 

Par rapport à la Video On Demand, on a voulu également marquer et repréciser la différence. Notre collection, ce n’est pas uniquement des films, mais c’est avoir en main un DVD cartonné, avec un joli travail graphique. C’est pouvoir le voir et le revoir à tout moment. Un film en VOD, tu le télécharges sur ton écran, la qualité est médiocre ; c'est une vignette de maximum 10 sur 7,5 cm. On a accès à la trace du film, mais qu'en est-il de la qualité filmique ? C'est la grande question. Je pense que le DVD garde encore un respect face à ces questions-là, en termes de qualités de compression et de projection possible, etc.

C. : Le court métrage est souvent utilisé dans les DVD comme bonus, pour montrer les prémices du talent d’un réalisateur qui en est à son long.

M. C. : Il y a deux points de vue. Soit on considère le court métrage comme une carte de visite ou d’essai, soit comme un format en soi. C'est comme en littérature, une nouvelle peut être aussi puissante qu'un roman de 900 pages ! Au cinéma, c'est pareil. Le court métrage, c’est une œuvre en soi. Il faut le regarder comme une œuvre propre et non comme un "brouillon" qui sert d'introduction. C'est reconnaître le travail de certains auteurs dits "courts métragistes" et qui s’épanouissent dans ce format. Aujourd'hui, les courts métrages ont quand même acquis une force. Il y a un public derrière ; on peut les voir en DVD, en salles, dans les festivals, etc. Et c'est un phénomène de plus en plus courant. Cela laisse un peu rêveur sur le statut de l'œuvre et du travail qui a été fait pour la promouvoir !

Après un an d’activités, nous pouvons déjà faire un petit bilan, pas trop négatif. Nous sommes très heureux d’avoir vendu 700 exemplaires de notre premier titre, Flatlife, sur le territoire belge ! Ce qui est quand même très bien, parce qu'il y a beaucoup de longs métrages qui ne se vendent pas à plus de 150 ou 200 pièces. Je pense que c'est un bel exemple de réussite.

C. : Dans ta collection, il y a un documentaire, La Femme seule, est-ce un genre que tu as envie d'exploiter ?

M. C. : En terme éditorial, c'est un coup de cœur, un film que j’affectionne beaucoup. Le genre d’"écart éditorial"  à faire et à refaire.

Je suis heureuse aujourd'hui que nous soyons présents dans tous les circuits de distribution ;  commerciaux  ou institutionnels. Nous travaillons sur la France, la Belgique, la Suisse. Nous avons des accords qui se mettent en place avec d'autres pays, avec le Portugal, avec l'Espagne, nous parlementons avec le Québec. Nous mettons en place un réseau de distribution fort, vraiment intéressant dans ce secteur de niche. Nous avons des partenaires de plus en plus intéressants notamment avec France 2 qui nous donne des émissions, des interviews de qualité. Nous sommes parvenus à éveiller l'intérêt un peu partout.

Mais soyons clairs, toute cette dépense d’énergie ne rapporte pas beaucoup ! Mais voilà, nous sommes à l’image du cinéma belge, des passionnés !