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De Médiathèque à Maison de la culture

Publié le 16/05/2019 par Dimitra Bouras / Catégorie: Dossier

Fin mars 2019 une nouvelle convention liant la Fédération Wallonie-Bruxelles et PointCulture a été signée. Elle prendra fin en décembre 2020.
Lors des réunions de travail entre Ministère, Cabinet de la Ministre et Direction de PointCulture pour préparer le contenu de cette convention, il avait été précisé par la représentante de la Ministre que le prêt ne pourra plus être la justification de la subvention publique. Cette convention prévoit l’arrêt du prêt physique et oriente l’action principale de PointCulture vers la valorisation du travail culturel de l’ensemble du secteur culturel. 

De Médiathèque à Maison de la culture

A l’annonce du contenu de cette convention auprès du personnel, des mouvements de contestations secouent les employés, une pétition pour sauver la médiathèque a été signée par plus de 8.500 personnes. La fin du service de prêt direct émeut. C’est toute une génération de mélomanes et de cinéphiles qui voient le lieu de leurs premières rencontres artistiques menacé !
Mais pourquoi cette redéfinition des missions ? 
Les pouvoirs publics ont-ils besoin de dépoussiérer à outrance jusqu’à laisser table rase ? Après le changement de nom de Médiathèque à PointCultre, dont on ne s’est pas encore totalement familiarisé, l’introduction d’événements culturels aux côtés du service de prêt, les coins salon ou tables de travail avec machines à café ou thé bio, jusqu’où pense-t-on transformer ces lieux de découverte culturelle ?Il faut savoir que depuis 2001, le nombre de médias empruntés n’a cessé de diminuer. Ce chiffre est passé de plus de 4.000.000 médias empruntés sur un an en 2001 à un peu plus de 300.000 en 2018.
Bien que divers outils aient été mis en place pour enrayer la chute de la quantité de médias en prêt, cela n’a pas été suffisant. Des formules d’abonnement, quasi gratuit, ont failli noyer la Médiathèque. La demande était énorme, le personnel n’arrivait plus à suivre, à la limite, il aurait même fallu engager! Malheureusement, l’apport en nouvelles inscriptions de jeunes s’est révélé inexistant. D’autres formules ont été mises en place (Curioso), moins avantageuses pour le public mais moins dépensières pour le service de prêt public. Une campagne d’affichage dans le métro et de spots radios a été mise en place.
Un travail considérable a été fait sur la constitution de collections avec la rédaction d’articles pour susciter la curiosité du public.
Il a été également proposé une plateforme sur laquelle les usagers partageaient leur coup de cœur avec un algorithme moins commercial que ce que les plateformes de téléchargements proposent (Les Médiavores). Mais tous ces outils se sont révélés peu compétitifs par rapport aux plateformes gratuites.
Alors on pense à la VOD. Pourquoi ne pas proposer de pouvoir regarder légalement un film en streaming, sans devoir se déplacer pour faire son marché ? Pourquoi ne pas avoir imaginé un système comparable à ce qui se fait dans les bibliothèques et médiathèques françaises avec un système d’offre du catalogue en streaming pour les membres abonnés ? En quelque sorte ce que la plateforme de VOD UniversCiné propose. Plateforme également subventionnée par les mêmes pouvoirs subsidiants, et qui plus est, a ses bureaux dans le même bâtiment que l’administration de PointCulture à Bruxelles. Tous les éléments convergent vers une possible collaboration.
Une autre solution serait de numériser les films et musiques acquis par la Médiathèque. Mais voilà, les droits d’auteur ne sont pas les mêmes pour prêter un média physique ou un fichier numérique ! Et acquérir les droits numériques dépasseraient l’entendement de l’argent public.
Devant ces constats, les pouvoirs subsidiant ne sont pas restés inactifs ! En collaboration avec la direction de PointCulture, toute une série de mesures avaient déjà été prises. Cette série a débuté en 2007, sous Fadila Laanan, alors Ministre de la Culture de la FWB. D’abord un changement de nom qui résume très bien la voie que le politique a demandé et demande de renforcer aujourd’hui : valoriser le travail culturel de l’ensemble du secteur culturel ! Devenir en quelque sorte une « Maison de la Culture » qui accueillerait des activités culturelles organisées par des associations partenaires mais également proposer un agenda culturel, présenter, avec des articles de fond, ce travail. Ces nouvelles activités sont devenues, depuis 2014, le fer de lance des divers PointCulture.
Mais les évaluations sont incontestables, on remarque que malgré la fréquentation active des activités culturelles des PointCulture, il y a très peu de perméabilité entre les publics. Il y a entre 15 à 16.000 personnes qui empruntent et entre 16 à 17.000 personnes qui participent aux événements, mais rare sont les noms qui se retrouvent sur les deux listes.
Pierre Hemptinne, Directeur de la médiation à PointCulture précise que la collection va rester accessible, il n’y a jamais été question de détruire les médias. Même les 60.000 vinyles que la Médiathèque possède sont toujours là ! L’idée c’est, à terme, quand le système sera mis en place, de pouvoir commander les médias et les recevoir à un PointCulture ou dans une bibliothèque. La grande différence c’est que le montant jusqu’ici réservé à l’acquisition de nouveaux médias sera nettement diminué et, parallèlement, le temps et le travail consacré à la recherche de nouveautés, à leur commande et mise en circulation également, hormis certaines collections qui seront suivies. Le temps de travail jusqu’alors occupé à l’acquisition sera dorénavant utilisé, en grande partie, pour la rédaction d’articles sur les collections et d’autres qui présenteraient le travail des associations partenaires.
Selon la convention en cours, la subvention ne peut plus être utilisée pour justifier des dépenses dues au prêt direct des médias. Il est demandé à PointCulture de réorganiser l’association, repenser ses services pour être plus efficaces et plus productifs sur la mission principale qui est de mettre en avant, valoriser le travail culturel de l’ensemble du secteur culturel. Cela peut se comprendre. Toujours selon Pierre Hemptinne, qui s’était fort investi dans les rencontres autour de l’opération « Bouger les lignes », les travailleurs culturels du terrain ont tous exprimé leur fatigue due à un travail énorme mais peu ou pas médiatisé. PointCulture pourrait servir de vitrine de ce travail, en tout cas, en partie.
D’autres pistes sont envisagées ; faire un travail d’éducation auprès des jeunes, leur faire découvrir les collections de la médiathèque, s’inscrire dans l’éducation à la culture qui se met en place via les directives du Pacte d’excellence.

Espérons que ces mesures seront suffisamment bien réfléchies que pour permettre un réel regain d'intérêt au cinéma et musique d'auteurs, ce qui fait, somme toute, l'ADN de PointCulture!

En bref, la réorganisation des missions de l’ex-médiathèque est une nécessité à laquelle le téléchargement illégal ou légal a conduit. La soi-disant gratuité d’internet a rendu le prix à payer pour accéder à la création ou à l’information incompréhensible. On pourrait faire un parallèle avec la débâcle de la presse écrite payante, en ligne ou sur papier et la recherche de solutions que certains médias comme Médor apportent.

Ce qui a choqué les esprits c’est la manière avec laquelle la direction de PointCulture a annoncé ces nouvelles directives et le manque de préparation du personnel à ces modifications. Il est difficilement défendable qu’une association qui œuvre à « la défense des enjeux sociétaux et des pratiques culturelles qui font évoluer la société » fasse peu cas du respect des personnes qu’elle emploie !


Pour info : le texte et pétition de soutien à la médiathèque de PointCulture: https://www.change.org/p/madame-alda-greoli-ministre-de-la-culture-sauvons-les-collections-de-la-m%C3%A9diath%C3%A8que-de-pointculture?fbclid=IwAR0RknMabGST-PjNSjCLYrzRzikypQiqFBfXNsLRxGrAj-0Ys6oXK_f2DJ4