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De tijd die ons rest de Vincent Everaerts

Publié le 15/03/2019 par Adrien Corbeel / Catégorie: Critique

De tijd die ons rest, “Le temps qui nous reste” en français. Derrière ce titre évocateur, des questions : que faire d’une relation qui nous blesse mais dont on ne pourra jamais se séparer ? Que faire de toutes ces années qui nous restent à vivre, partagé entre le pardon et la rancune ? Dessinant une relation mère-fils douloureuse, le premier long-métrage documentaire de Vincent Everaerts est un auto-portrait familial qui touche à des réflexions difficiles.

Au cœur du film, il y a une séparation : celle d’un fils avec sa mère. Incapable de continuer à vivre dans un milieu familial qui le prive de liberté et de bonheur, Vincent Everaerts a dix-huit ans lorsqu’il quitte le domicile pour de bon. Sept ans plus tard, devenu cinéaste, il choisit de renouer les liens qui l’unissaient avec sa mère, et d’opérer ces retrouvailles sous l’œil d’une caméra.
Si ce genre de documentaire intime peut souvent donner au spectateur un sentiment de voyeurisme, il n’en est étonnamment rien avec De tijd die ons rest. L’acte de filmer paraît normal, et est d’ailleurs accepté par la mère comme le fils. Elle est le sujet consentant du film, bien trop heureuse de retrouver son enfant aîné après tant d’années pour objecter de quelque manière que ce soit à la présence d’une caméra. Il est le cinéaste, se livrant non pas dans une démarche exhibitionniste, mais introspective, cherchant à sonder leur relation par le septième art.
Ce qui nous est révélé à travers le film est beau et douloureux. Leurs échanges sont faits d’excuses, de non-dits et de reproches, et chacune de leurs interactions nous dévoile un peu plus de leur relation. D’un côté, il y a cette mère qui ne sait pas comment réparer les pots qu’elle a indéniablement brisés. De l’autre, il y a ce fils qui ne sait pas comment pardonner, ou même s’il se doit de le faire. Parfois, ils se lancent des mots d’une belle tendresse, d’autres d’une douloureuse franchise. Plus souvent encore, ils ne disent rien, préférant ne pas s’exprimer plutôt que de se faire du mal l’un à l’autre.
Ce calme qui régit leurs rapports se reflète dans le dispositif cinématographique, qui fait la part belle à la contemplation silencieuse. Filmé en grande partie dans les bois, autour de la cabane du réalisateur, De tijd die ons rest est un long-métrage qui, dans son observation de la nature et des rapports sociaux, privilégie la durée et la beauté. Avec un remarquable soin dans le cadrage et la mise en lumière, le film appuie certaines de ses thématiques, en mettant notamment en exergue la gêne du duo ou la solitude du cinéaste au travers de plans très larges.
En parallèle à ces retrouvailles, Vincent Everaerts s’est également entretenu face caméra avec sa sœur. Avec elle, il tente de mettre des mots sur leur passé. Pourquoi l’aîné est-il parti, alors que la cadette n’a jamais rompu les ponts avec une aussi grande violence ? Pourquoi, d’une expérience commune, sont-ils ressortis avec des perspectives à la fois différentes et partagées ? Entre eux, les traumatismes et les abus de leur jeunesse sont abordés de manière plus explicite et plus frontale qu’avec leur mère. Et comme pour aller de pair, ces images-là se font plus minimalistes et plus crues.
À l’issue du film, il n’y a pas de réponses toutes faites ni de résolutions triomphantes. Si certaines blessures ont cicatrisé avec le temps, leurs marques seront vraisemblablement toujours visibles. D’autres sont encore ouvertes, et ne se refermeront peut-être jamais.

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