Après La jungle étroite et La Bataille de l’eau noire, deux films engagés et politiques décrivant des mouvements populaires et sociaux, le réalisateur Benjamin Hennot nous parle de sa vision de la grève générale de l’hiver 1960-1961 avec son film Détruire rajeunit qui réinvestit cette période de notre histoire à travers des images d’hier et des voix d’aujourd’hui. De la grève générale, certains se souviennent des mots provocants du gouvernement Eyskens et des étudiants solidaires avec les ouvriers. D’autres encore se souviennent des affrontements et des procès. Que reste-t-il de cette période de notre histoire ? Que peuvent encore dire les images ?
Détruire Rajeunit de Benjamin Hennot
Immergé dans un noir profond, des voix se détachent soudainement, comme revenant des abysses du passé. Des images d’archives de la grève apparaissent alors, superposées à des visages de jeunes gens. Chacun à leur tour, ils déclinent leur identité et leur rôle dans la grève générale : étudiant, ouvrier, militant communiste, responsable syndical. Le film de Benjamin Hennot donne immédiatement le ton. Celui d’un film où s’entremêle un rapport critique entre passé et présent et se distingue, notamment par sa forme, aux autres films d’archives ou historiques, mais aussi à Hiver 60 de Thierry Michel. Car l’énonciation du documentaire est laissée à la jeune génération, à des jeunes qui n’ont pas connu directement cette période mais forment des morceaux de la mémoire collective.
Pour nous raconter sa vision de la grève générale, le réalisateur Benjamin Hennot alterne avec puissance les photographies, les films d’archives et les face caméra des comédiens narrant des souvenirs qu’ils s’approprient. Le film déplie la parole et confronte la politique d’hier en célébrant les actes d’insoumissions, de révolte des « sans noms » comme les appelle Walter Benjamin. Il retrace, avec fougue et en regardant le présent en face, les différents événements qui ont suivi l’annonce de la loi unique. En février 1961, le gouvernement libéral porté par Gaston Eyskens a proposé la loi unique qui devait œuvrer à l’expansion économique et au progrès social suite à l’endettement public de plus en plus conséquent et à la perte du Congo. À l’inverse, cette loi provoqua, dans les années 60, des mouvements sociaux importants amenant à la grève générale de l’hiver 1960-1961.
Détruire rajeunit parvient à s’extirper de l’écueil du film historique ou de la simple reconstitution de l’histoire et instaure un rapport politique entre le passé et le présent. Comme ces séquences en noir et blanc rejouées par les jeunes comédiens qui engendrent une écriture de l’histoire « par le bas » et non plus par les dominants et les vainqueurs. Les différents témoignages parviennent à nous transporter dans la lutte dans l’attente d’un combat à venir pour le présent.